Il  y a maintenant 4 ans, Anna Vetter avait bien voulu répondre à quelques unes de  mes questions relatives à l'action de formation des tuteurs qu'elle avait menée  à l'Open University.  A la suite du dernier sondage consacré  à la formation des tuteurs, il semble à propos d'inscrire cet entretien dans la  série "Paroles de tuteurs". Si les "temps  héroïques" de la formation des tuteurs, auxquels je faisais référence dans mon  introduction, ne semblent plus tout à fait d'actualité, cet entretien n'a pas  réellement vieilli. C'est pourquoi, je le  reproduis dans sa version originale de  2004.
 Anna Vetter est :
Anna Vetter est :
- Chef de projet FOAD (FSP 2006-32 : formation des formateurs de formateurs de FLE à la FOAD)- 
Formatrice de formateurs dans des stages d'ingénierie pédagogique (Univ. Franche-Comté, CNED, MAE).- 
Conceptrice de formations à distance (Stratice) et conceptrice de contenus pédagogiques pour la FOAD en Français Langue Etrangère (Open University).- 
Titulaire d'un doctorat de littérature comparée (1999) portant sur les interférences des codes littéraires et picturaux- Titulaire d'un DESS (2003) "Ingénierie Pédagogique dans des Dispositifs Ouverts et à Distance" (IPDOD).
- Elle anime un site riche en ressources qui vient de faire peau neuve : supportsfoad
 
INTRODUCTION
                    
La formation des          tuteurs à distance apparaît incontournable tant          la variété des tâches qui leur sont          demandées d'assumer est grande. Il est en effet          difficile de trouver tout à la fois sinon des          spécialistes du moins des connaisseurs du champ          disciplinaire, des bons techniciens, des pédagogues          sachant apporter aide et support de manière          personnalisée aux apprenants, des experts de          l'apprentissage, des guides sur le plan          méthodologique, des personnes ayant          développées des compétences          d'écoute, de support affectif, etc.
                    
Encore assez peu          développées les actions de formation de          tuteurs à distance visent à doter les          personnes concernées des connaissances          nécessaires à la réalisation de leurs          tâches d'encadrement et de support à          l'apprentissage auprès des apprenants. Celles-ci          portent sur différents plans (cognitif,          méthodologique, technologique, administratif,          motivationnel, socio-affectif, métacognitif). Ces          formations ont pour but de professionnaliser ce nouveau          profil d'acteur pédagogique. 
                    
J'ai le sentiment que          nous en sommes encore aux temps héroïques de la          professionnalisation des tuteurs. Il est à remarquer          que si les formations de formateurs aux NTIC se multiplient,          sans toutefois toujours trouver de nombreux candidats (les          formateurs seraient-ils les moins formés à          l'instar des cordonniers, les plus mal          chaussés…), les cursus dédiés au          tutorat restent largement à créer.
                    
Et si, les tuteurs se          devaient être des professionnels de l'accompagnement          des apprenants mais non pas des connaisseurs de contenu ?          Plus iconoclaste, les tuteurs ne devraient-ils pas          être des " maîtres ignorants " ? Jacques          Rancière (Le maître ignorant, Fayard, 1987)          nous livre l'histoire étonnante autant que          passionnante de Joseph Jacotot qui, au début du XIXe,          enseignait ce qu'il ignorait et proclamait          l'émancipation intellectuelle.
                    
La question du          recrutement et de la formation des tuteurs se poserait dans          des termes radicalement différents. Plutôt que          de confier des tâches de tutorat à des          professeurs (en heures complémentaires) dont nous          savons qu'ils sont, pour la plupart, plus aptes à          enseigner qu'à supporter les apprenants dans leurs          parcours de formation, le recrutement des tuteurs          privilégierait d'autres profils (pédagogues,          méthodologues, technologues, psychologues, …).          Ces tuteurs pourraient intervenir sur de nombreux cours          différents puisque ce ne serait pas leurs          connaissances disciplinaires qui les qualifieraient mais          bien leurs compétences en stratégies          d'apprentissage, leur savoir-faire permettant aux apprenants          d'apprendre à apprendre et de devenir autonomes, leur          propension à l'empathie…
                    
Il se pourrait          même que ce soit la seule perspective pour que le          métier et le statut de tuteur émergent          réellement et que les solutions actuelles de tutorat,          trop souvent bricolées au dernier moment soient          rangées au Panthéon des premiers âges de          la formation à distance.
                    
Pour autant, et en          revenant au temps présent, il est possible de trouver          quelques expériences de formation de tuteurs qui          visent la professionnalisation de ces intervenants. Effet du          hasard ( ?), c'est dans les institutions ayant une pratique          ancienne de la formation à distance que nous les          trouvons. C'est le cas à la Téluq, où          les tuteurs bénéficient d'une véritable          reconnaissance professionnelle inscrite dans une convention          collective mais aussi à l'Open University où          existe une réelle politique de formation des tuteurs          dont je me suis entretenue avec Anna Vetter. Cet entretien          est plus spécifiquement consacré à son          expérience de formatrice de tuteurs à          l'environnement Lyceum.          
                    
  
                    
ENTRETIEN
                    
Jacques          Rodet : Bonjour Anna. Tu as participé à          l'animation d'une formation de tuteurs à l'Open          University. Peux-tu nous préciser le contexte de ton          intervention (programme concerné, nombre de personnes          concernées, statut du personnel visé, etc.)          ?
                    
Anna Vetter : Bonjour          Jacques. La formation à laquelle j'ai          participé était destinée aux tuteurs          qui, à l'Open University sont chargés d'animer          les travaux pratiques en FLE (Français Langue          Etrangère) d'un cours de niveau avancé, dans          l'environnement audiographique synchrone, Lyceum. Il          s'agissait d'une expérimentation qui ne concernait          qu'une petite population de tuteurs (je n'ai pas les          chiffres en tête mais il me semble qu'ils ne sont pas          plus de douze sur le cours concerné). Sur les sept          tuteurs inscrits à la formation, cinq l'ont suivie.          Quatre de ces personnes avaient déjà          animé des TP (travaux pratiques) avec Lyceum. La          formation s'est déroulée en deux          séances. Trois tutrices ont participé à          la première et cinq à la seconde. Les          objectifs de cette formation étaient les suivants          :
                    
Séance 1 :
  Découvrir ou revoir l'environnement technique de          Lyceum : comment utiliser les modules de ressources          partagées (tableau blanc, traitement de texte et          carte conceptuelle) ainsi que les outils de communication          disponibles : parler en synchrone, donner son avis en votant          Oui ou Non et utiliser le chat. 
                    
Séance 2 :
  Echanger sur les pratiques pédagogiques sur Lyceum          (rôle et fonctions du tuteur, comment motiver les          étudiants, mettre en place des conventions de          communication, comment faire un bilan, les outils de gestion          de son groupe, quand/comment évaluer). 
                    
Séances 1 et 2          :
  Développer la confiance en soi, l'esprit d'entraide          et de partage (parler de ses problèmes, partager ses          outils, faire des suggestions).
  Evaluer la pertinence d'une communauté de tuteurs          comme modalité de formation continue (objectif          visé par l'institution). 
                    
J.R. :          Lyceum, un environnement audiographique synchrone ? Peux-tu          nous en dire plus ?
                    
A.V. : Dans Lyceum,          tuteurs et étudiants disposent exactement des          mêmes privilèges et des mêmes          fonctionnalités. On peut communiquer oralement (c'est          bien sûr la modalité la plus utilisée en          TP de langues) et à l'écrit dans le chat. Il          existe un troisième mode plus graphique, qui permet          aux participants, en cliquant sur des boutons de donner leur          avis (le vote "oui" ou "non") ou d'indiquer une absence          momentanée. Lyceum est structuré un peu comme          un bâtiment, par étages, lesquels comprennent          des salles : les participants dans une même salle          n'entendent bien sûr pas ce que disent ceux d'une          salle voisine. Cela permet au tuteur d'organiser des          activités en sous-groupe et des rassemblements en          séance plénière. Chaque salle dispose          de trois types d'applications partageables : un tableau          blanc, un traitement de texte et une carte conceptuelle, qui          sont modifiables en temps réel par l'ensemble des          participants simultanément. Ainsi, pour          préparer sa séance, le tuteur choisit dans un          ensemble de scénarios pédagogiques          livrés avec leur ressources (tableau blanc, document          texte ou carte conceptuelle) sous forme de fiches          pédagogiques, les activités qu'il veut faire          faire à ses étudiants. Il prépare sa          séance, se connecte sur Lyceum avant le début          de la séance et "affiche" les écrans-ressource          dans les salles qu'il compte exploiter. Il poste ensuite un          message à l'intention des étudiants leur          signalant dans quelles salles vont se dérouler les          activités et il les accueille dans une salle en          plénière. Ce qui me semble le plus          différent entre le tutorat en présentiel et          celui sur Lyceum, c'est la gestion de la communication avec          les étudiants : dans Lyceum, le tuteur peut          simultanément se retrouver en situation de          compréhension orale/écrite et ceci à          différents niveaux (rétroaction          immédiate et préparation du bilan de          séance).
                    
Pour plus de          détails sur les fonctionnalités techniques de          Lyceum et sur la structure des fiches pédagogiques          proposées, consultez l'article          L'enseignement          des langues avec Lyceum à l'Open          University
                    
J.R. : Tu          sais que la question de la formation des tuteurs fait          débat. Certains auteurs y sont très favorables          et proposent des formules, parfois très          précises, pour permettre aux futurs tuteurs de mieux          appréhender leurs rôles et de les doter de          connaissances méthodologiques et technologiques.          D'autres, au contraire, pensent que la formation des tuteurs          peut être contre productive dans la mesure où          le tuteur se transforme alors en professionnel de          l'encadrement et que le principal intérêt du          tutorat serait de mettre en relation des personnes proches          socialement. L'Open University a manifestement choisi la          première solution. Qu'est-ce qui, à ton avis,          a pesé dans ce choix de l'Open University ? De ton          côté, quels sont les ressorts essentiels qui te          poussent à former des tuteurs ?
                    
A.V. : En effet, on          peut ranger l'Open University dans le groupe de ceux qui          estiment la formation des tuteurs productive, mais… pas          seulement les tuteurs ! L'Open University est une          institution qui emploie des milliers de personnes (3 000 en          poste, dont 900 enseignants-concepteurs à Milton          Keynes, et quelques 8 000 tuteurs vacataires) et au sein de          laquelle, quel que soit son statut, chacun dispose d'un          droit à la formation. Si certaines formations sont          animées par des experts, la plupart du temps, l'Open          University invite ses salariés à s'autoformer          à partir d'un matériel produit par          l'institution qui relève du tutoriel (textuel ou          animé). 
                    
Mais revenons aux          tuteurs : pour mieux répondre à ta          première question, je vais te décrire un peu          qui sont les tuteurs en langues à l'Open University          et faire un petit historique de ce qui leur a          été proposé en terme de formation. Les          tuteurs en langues de l'Open University sont des enseignants          déjà confirmés dans leur discipline. Le          tutorat qu'ils assurent pour l'Open University est en          général un emploi à temps partiel. Les          tuteurs sont chargés de suivre un groupe d'une          quinzaine d'étudiants : ils corrigent et          évaluent les travaux rendus par les étudiants,          veillent à ce que chacun exploite au mieux le          matériel pédagogique fourni et assurent des          séances de travaux pratiques régulières          en présentiel ou sur Lyceum. Ces TP ont pour objectif          la pratique de l'oral et proposent des activités dans          lesquelles les étudiants sont amenés à          s'exprimer individuellement mais aussi à travailler          en groupes. L'Open University est soucieuse de proposer          à tous ses étudiants une prestation tutorale          de qualité équivalente (en présentiel          ou sur Lyceum) ; d'un autre côté, une grande          liberté est accordée au tuteur pour          préparer et animer sa séance pourvu qu'il          respecte la progression générale du cours. Le          matériel pédagogique qui lui est          proposé va dans ce sens : il n'est pas dirigiste car          on encourage au contraire l'adaptation, la sélection          et le découpage, c'est-à-dire :          l'appropriation des ressources. 
                    
En langues vivantes,          Lyceum est utilisé depuis seulement un an ou deux          (selon les langues concernées). Cette          nouveauté impliquait donc, pour le département          de langues, de proposer aux tuteurs une formation          spécifique. La première formule          proposée a été une formation à          l'utilisation technique de Lyceum, dispensée par des          informaticiens. Ainsi, la première          génération de tuteurs en langues sur Lyceum a          du s'initier toute seule à l'utilisation          pédagogique de cet outil. En terme de formation          professionnelle continue, les tuteurs sont suivis par un          "staff-tutor" qui organise leur emploi du temps mais surtout          constitue un interlocuteur privilégié pour les          questions d'ordre pédagogique. Aujourd'hui, encore          assez peu de "staff-tutors" sont familiers avec Lyceum. Au          sein du département de langues, un groupe de travail          s'est mis en place pour observer l'évolution des          pratiques sur Lyceum et pour analyser les besoins en          formation des tuteurs. C'est ainsi qu'il m'a          été confié d'expérimenter sur un          petit groupe de tuteurs Lyceum une formation, non sur le          mode "tutoriel à consulter" mais en synchrone, sur          Lyceum, avec des tuteurs volontaires et demandeurs de          formation. 
                    
Ce qui m'a          poussée à me lancer dans l'aventure est          d'abord le goût pour ce type de formation. Je suis en          effet formatrice de formateurs depuis six ans et          j'apprécie d'échanger avec des enseignants car          j'en apprends toujours beaucoup à chaque fois. Par          expérience, j'ai remarqué que les profs aiment          parler de ce qu'ils font. Par ailleurs, j'ai          expérimenté Lyceum comme tutrice et animatrice          de TP. A cette occasion, j'ai eu la chance de pouvoir          échanger avec une collègue tutrice. Ces          conversations ont été très riches et          m'ont poussée à imaginer des outils à          partager avec d'autres tuteurs. Enfin, Lyceum est un          environnement assez original (car fondé sur la          relation synchrone) et je trouve que c'est un outil          formidable pour l'enseignement à distance.          
                    
J.R. :          J'ai été confronté à la question          de la formation des tuteurs lorsque je me suis investi dans          la première expérimentation de l'encadrement          par les pairs à la Téluq. La formation dont          j'ai alors bénéficié se fixait les          objectifs suivants : mieux connaître et comprendre le          rôle du pair ancien ; planifier une intervention          auprès d'un nouvel étudiant ; réaliser          une intervention auprès d'un nouvel étudiant ;          développer son style d'aide comme pair ancien ; faire          le point sur ses compétences comme pair ancien ;          aider le pair nouveau à planifier, réguler et          évaluer sa démarche ; développer des          outils pour assurer un suivi efficace de son intervention          comme pair ancien ; fournir une rétroaction au pair          nouveau ; évaluer son intervention ; identifier les          besoins d'un pair nouveau ; aider le pair nouveau à          identifier ses besoins ; aider le pair nouveau à          développer de nouvelles stratégies          d'étude, de lecture ou d'écriture.          Retrouves-tu dans ces objectifs certains qui étaient          ceux de la formation des tuteurs à l'OU ? D'autres          objectifs étaient-ils visés ?
                    
A.V. : Comme je l'ai          dit précédemment, les tuteurs de l'Open          University sont déjà enseignants donc nous ne          sommes pas tout à fait dans le même cas que          celui de l'encadrement par les pairs à la          Téluq, qui semble se rapprocher du tutorat dans le          DESS UTICEF qui est lui aussi assuré en partie par          des "anciens" étudiants. 
                    
Les TP sur Lyceum ne          représentent qu'une partie du travail du tuteur          à l'Open University. Mais pour établir un          parallèle avec les objectifs de la formation de la          Teluq, on peut dire qu'ils existent également pour          les tuteurs à l'Open University. Ils sont seulement          traités par un autre interlocuteur : le "staff-tutor"          dont je parlais tout à l'heure. La formation que j'ai          assurée n'était orientée que sur la          partie "TP sur Lyceum", ce qui explique que ses objectifs          étaient liés aux manipulations techniques et          à la relation pédagogique spécifique          à Lyceum : préparation et animation de la          séance et suivi des étudiants. 
                    
Il faut          également garder en tête que cette formation          était expérimentale et n'avait pas une          ambition exhaustive de formation. Il ne s'agissait pas de          "fabriquer des tuteurs Lyceum" en deux jours à partir          de rien. Ici, nous étions davantage dans une logique          de réflexion entre les modalités de tutorat en          présentiel (on dit "face to face" à l'Open          University) et celles avec Lyceum. Dans le cas de la          formation que j'ai animée, le concept est celui d'une          communauté qui aborde différents thèmes          (proposés aux tuteurs et négociés avec          eux) sur la durée. 
                    
J.R. : Si          tu le permets, je continue cette mise en parallèle de          nos expériences. La formation des pairs anciens          à la Téluq a été animée          par un professeur et s'est déroulée selon deux          modalités : activités collectives          réalisées par          audio-vidéoconférence, par forum et          activités individuelles (lectures, encadrement d'un          pair ancien suivant également la formation,          activités de perfectionnement selon les besoins).          Comment cela s'est-il passé à l'Open          University ? Selon quelles modalités temporelles et          techniques ont été formés les tuteurs          ?
                    
A.V. : Il s'agissait          d'une formation synchrone sur Lyceum : donc en          audioconférence, comprenant deux séances de          deux heures chacune. Les tuteurs ont reçu le          programme 15 jours avant le début de la formation. Ce          programme était accompagné d'un document de          préparation à la première séance          qui était consacrée au rafraîchissement          des connaissances techniques du tuteur sur Lyceum. En effet,          pour pouvoir utiliser les ressources conçues pour les          TP, les tuteurs doivent se familiariser avec quelques          procédures de stockage, de sauvegarde et de          modification des ressources. Le document proposait donc un          rappel de ces manipulations et invitait les tuteurs à          en faire la répétition tout seul avant la          première séance. Lors de cette séance,          les tuteurs ont été confrontés (en          binômes) à des situations de manipulations          typiques. Nous avons ensuite fait le point sur les          manipulations qui posaient problème : ceux qui          avaient réussi ont expliqué à ceux qui          avaient rencontré des problèmes. Cette          séance s'est terminée sur un échange de          " trucs et astuces " techniques qui pouvaient aider le          tuteur dans sa préparation de séance et dans          la gestion de son groupe lors des TP. 
                    
Pour la seconde          séance, les tuteurs n'avaient rien à          préparer, mais à lire une fiche-témoin          tirée du guide pédagogique qu'ils devaient          recevoir peu après. Les dix premières minutes          ont été consacrées à la          présentation critique de la structure des fiches et          à l'esprit pédagogique dans lequel elles sont          fournies. Les tuteurs ont posé quelques questions          relatives aux fiches. Ensuite, deux activités          à réaliser en groupes puis en          plénière leur ont été          proposées. La première consistait à          faire la liste de ce qu'ils se voient faire lors de la          préparation de la séance. Les tuteurs ont          préparé leur liste par groupes de trois et il          a été procédé à une          présentation en plénière… laquelle          a donné lieu à des échanges sur les          multiples compétences à mettre en œuvre          par le tuteur avant même d'avoir commencé les          TP. La dernière activité était plus          ouverte : il s'agissait, toujours en groupe, de formaliser          les questions que se posaient les tuteurs sur des sujets          divers (en lien avec l'animation pédagogique). Les          questions ont ensuite été mises en commun et          chacun a été invité à proposer          une réponse, une solution ou à évoquer          une pratique susceptible de constituer une piste.          
                    
J.R. :          Quelles sont les principales conclusions que tu tires de ton          expérience de formatrice de tuteurs à l'Open          University ? Qu'est-ce qui te semble          généralisable à toute formation de          tuteurs ? Ou au contraire penses-tu que le contenu d'une          formation de tuteurs ne peut être que          spécifique à chaque contexte ?
                    
A.V. : Ce que je tire          de cette petite expérience, c'est d'abord          l'intérêt de faire échanger les tuteurs          en synchrone. Cette modalité me semble plus efficace          que de donner à lire des documents d'auto-formation.          Du reste, on sait que les tuteurs de l'Open University n'ont          globalement pas le temps de le faire… alors qu'ils          aiment parler de ce qu'ils font et écouter les          autres. Cette modalité les rend donc actifs.          
                    
Ce qui me semble          généralisable, c'est la modalité          retenue plus que le contenu : dans notre cas, le fait de          faire se rencontrer les tuteurs et de leur proposer des          sujets de réflexion sur leur pratique. Adopter une          posture réflexive sur son travail est très          difficile à faire tout seul (car il faut          déjà se construire des outils d'auto          questionnement, ce qui prend du temps) alors qu'en groupe,          cela se fait plus naturellement. En plus, les tuteurs n'ont          pas à préparer quoi que ce soit (je parle ici          de la deuxième séance consacrée          à l'appropriation pédagogique de Lyceum)          puisque c'est le formateur qui propose et anime les          situations d'échange. Les tuteurs m'ont du reste          confié qu'ils aimeraient bien plusieurs rencontres de          ce genre en cours d'année à condition qu'une          personne se charge de la préparer car ils n'ont pas          le temps de le faire. 
                    
Le contenu de          formation à proprement parlé est, dans cette          modalité, surtout construit par les participants. Il          n'empêche qu'au cours de la séance, j'ai pris          des notes et sauvegardé des écrans Lyceum          produits par les tuteurs afin d'en faire la synthèse          (que j'ai envoyée par courriel aux participants) et          aussi, pour conserver une trace des questions et solutions          débattues lors des échanges. En fait, le          contenu s'est matérialisé après la          formation. Il est donc a priori spécifique au          contexte du tutorat avec Lyceum.
                    
C'est du reste assez          conforme à l'esprit que j'ai adopté en          préparant cette formation : écouter les          tuteurs et identifier leurs besoins, miser sur le fait que          dans leur cas (pédagogues professionnels "qui n'ont          pas le temps de lire") c'est l'échange qui peut les          enrichir le plus. Dans ce cas-là, il me semble que          c'est la formule la plus réaliste et la plus          efficace
                    
Je crois aussi que les          tuteurs se posent les mêmes questions dans la mesure          où l'on aborde des thèmes qui peuvent          être considérés comme des          incontournables et pourquoi pas, des invariants :
                    
- construire des             outils de suivi (de son groupe d'étudiants)             
- perfectionner ses             compétences de communication 
- gérer le             temps 
- s'interroger sur             le feed-back, le bilan et l'évaluation             
- maintenir ses             savoirs-faire techniques dans l'environnement de FOAD             
                    
Je crois qu'à          la faveur de la formation, il convient d'adapter ce          "contenu" au profil tutoral visé et à          l'environnement dans lequel le tutorat s'actualise. Car il          me semble que cela ne devient un objectif de formation de          tuteurs qu'au moment où eux, les tuteurs, l'expriment          comme un besoin.
                    
J.R. :          Dans ma chronique du mois de février, j'ai          traité de l'effet-tuteur. Peux-tu nous dire ce que tu          as retiré de cette expérience de formation de          tuteurs pour ta propre pratique de tutrice ?
                    
A.V. : J'ai          bénéficié de l'effet-tuteur sur deux          plans. Premièrement pour mon travail de conception et          de rédaction de matériel pédagogique          à l'attention des tuteurs qui interviennent sur          Lyceum : écouter les tuteurs évoquer leur          expérience sur Lyceum me permet d'être plus          proche de leurs réflexes, de ce qui leur fait          question et de ce qu'ils recherchent. C'est donc une source          d'informations de "première main" dont le          bénéfice est inestimable pour un concepteur          qui se retrouve immanquablement dans "la peau tuteur"          lorsqu'il écrit. En second lieu, je citerai des          effets plus immédiats : le plaisir de la conversation          et de l'écoute.
                    
Toutefois, je ne sais          pas quand je vais pouvoir tutorer à nouveau sur          Lyceum et donc réinvestir dans ma pratique le          bénéfice de cette expérience. Mais je          peux d'ores et déjà dire que les          échanges avec les tuteurs m'ont aidée à          formaliser des points qui me posent problème en tant          que tutrice, comme la gestion du temps par exemple et          motivée pour développer des outils d'aide          à la gestion de d'une séance (un prototype est          en cours de test par une tutrice). 
                    
J.R. :          Peux-tu en dire plus sur ce prototype ?
                    
A.V. : En discutant          avec les tuteurs, je me suis aperçue que certains          avaient du mal à s'approprier les orientations          suggérées dans la rubrique "bilan" de la fiche          : d'après eux, il se passe beaucoup de choses au          cours de la séance qui mériteraient          d'être discutées à la fin, outre les          orientations linguistiques proposées dans la fiche.          Il m'a semblé que cette difficulté          était liée au travail de prise de notes par le          tuteur au cours de la séance. En effet, comme je l'ai          dit, les tuteurs sont, en séance, très          sollicités (compréhension/expression          permanente) : il y a parfois surcharge cognitive qui          complique la prise de recul "hors du feu de l'action" comme          dirait Ph. Perrenoud.
                    
J'ai donc          imaginé un canevas de fiche destiné à          faciliter la prise de notes par le tuteur lors de la          séance qui met en avant les aspects-clé d'une          séance sur Lyceum en vue du bilan: interactions dans          le groupe, stratégies développées par          les groupes pour réaliser la tâche, contenu du          travail produit et problèmes rencontrés par          les étudiants.
J.R. : Merci Anna, pour cet entretien