lundi 28 septembre 2015

Processus d'une intervention tutorale réactive

Les interventions tutorales réactives constituent une bonne part du travail des tuteurs à distance. Afin d'être menées de manière efficace, le tuteur doit procéder à un diagnostic et effectuer des choix. Le schéma ci-dessous propose une modélisation de ce processus.






Réception de la demande de soutien
Le tuteur doit procéder à un premier diagnostic. Comprend-il réellement la demande de l'apprenant ? Le style du message, l'infratexte et les précédentes interactions qu'il a eues avec cet apprenant lui permettent-il d'avoir une représentation non équivoque de l'état d'esprit de l'apprenant ? S'il ne peut répondre avec certitude à ces questions, il est nécessaire qu'il sollicite l'apprenant, en lui posant des questions plutôt ouvertes, pour obtenir les compléments d'information qui lui permettront de situer précisément la difficulté rencontrée afin d'élaborer ensuite sa réponse.

La formulation du diagnostic
Le tuteur doit formuler son diagnostic, en particulier en identifiant si le problème est relatif à une défaillance du dispositif ou à une difficulté de l'apprenant. Pour déterminer la nature du ou des plans de soutien concernés (cognitif, socio-affectif, motivationnel, métacognitif), le tuteur s'appuie sur le repérage des mots clés et des phrases les plus significatives du message de l'apprenant. 

Interventions en cas de défaillance du dispositif
Il revient au tuteur d'alerter les services en charge de la maintenance du dispositif afin qu'ils puissent solutionner le problème et en parallèle d'informer les apprenants de la prise en charge du problème en indiquant, si possible, une échéance de retour à la normale. Cette intervention doit être la plus rapide possible.

Diagnostic en cas de difficulté de l'apprenant
Lorsqu'un apprenant éprouve une difficulté, il est important que le tuteur identifie s'il s'agit d'une difficulté spécifique à l'apprenant ou si elle concerne, ou peut concerner, également d'autres apprenants. En effet, selon le cas, il n'utilisera pas les mêmes outils de communication pour apporter sa réponse.

Intervention auprès d'un apprenant
Le tuteur utilise un outil de communication privée pour formuler sa réponse. Il fait le choix d'une intervention synchrone ou asynchrone. Il structure sa réponse afin de répondre aux différents points relevés lors du diagnostic en commençant par le plus important. Lorsqu'il n'est pas certain de son interprétation, malgré les informations complémentaires obtenues auprès de l'apprenant, il utilise le conditionnel pour formuler ses hypothèses. Il engage l'apprenant à réagir à ses propos et rappelle sa disponibilité.

Intervention auprès du groupe d'apprenants
Le tuteur estimant que la difficulté rencontrée par l'apprenant qui l'a sollicité peut également l'être par d'autres apprenants utilise un outil de communication collective pour transmettre sa réponse. Il est à noter que l'intervention tutorale est réactive pour l'apprenant qui l'a sollicitée et proactive pour les autres apprenants. Il reformule le propos initial de l'apprenant afin de l'anonymiser et lui conférer une dimension plus générale. Il formule une réponse la plus factuelle et précise possible et peut également renvoyer aux ressources du cours ou à d'autres, externes. 


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lundi 21 septembre 2015

Typologie d'interventions tutorales

Cette typologie distingue d'une part, les modalités proactive (le tuteur intervient sans avoir été sollicité par l'apprenant) et réactive (le tuteur intervient en réponse à une sollicitation d'un apprenant), et d'autre part, le caractère synchrone (en temps réel) ou asynchrone (en temps différé) de la communication. Cette typologie n'est donc pas basée comme d'autres (cf. MIT de Quintin) sur les fonctions des tuteurs et les plans de support à l'apprentissage mais sur la nature de la communication et l'identification de l'émetteur initial.





itRA
Les interventions tutorales réactives asynchrones sont les plus courantes. Elles ne peuvent pas être réellement conçues à l'avance mais le tuteur s'appuie sur son expérience pour y répondre. A cet égard, il peut constituer des modèles de messages qu'il réutilise d'une session à l'autre.


itRS
Les interventions tutorales réactives synchrones supposent une prise de rendez-vous entre le tuteur et les apprenants. Réalisées fréquemment en classe virtuelle, elles permettent de procéder à des remédiations et des commentaires aux productions des apprenants.

itRQI
Les interventions tutorales réactives quasi instantanées sont réalisées dans un délai inférieur à une heure après la sollicitation de l'apprenant. Elles peuvent être réalisées en mode synchrone ou asynchrone selon la disponibilité de l'apprenant. Sur les avantages et inconvénients des itRQI cf. ce billet.

itPA
Les interventions tutorales proactives asynchrones peuvent être préparées à l'avance. Les points intermédiaires permettant de faire le point sur ce qui a été fait et sur ce qui reste à faire par les apprenants réalisées par mail ou forum en sont des bons exemples. 


itPS 
Les interventions tutorales proactives synchrones peuvent être facilement conçues et planifiées à l'avance à partir de cas type. Elles sont réalisées par téléphone, ou communication audio-visuelle. Elles concernent fréquemment les relances d'apprenants inactifs. Elles permettent de rompre l'isolement de l'apprenant et de lutter contre l'abandon. 


Lors de la conception d'un digital learning, le choix des différents types d'interventions tutorales permet d'évaluer plus facilement la charge de travail d'un tuteur. C'est par la combinaison harmonieuse de ces types d'interventions qu'il est possible d'atteindre plus facilement les buts assignés au tutorat dont le premier est de permettre à l'apprenant d'atteindre ses objectifs d'apprentissage et le deuxième d'exercer son autonomie d'apprenant.


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mercredi 16 septembre 2015

Les tuteurs à distance ont-ils un droit à la déconnexion ?

Dans son récent rapport remis à la ministre du travail, Bruno Mettling, directeur général adjoint d’Orange, chargé des ressources humaines, propose d’instaurer « un droit à la déconnexion professionnelle qui doit se généraliser par négociation d’entreprise ».

Un tel droit serait-il imaginable pour les tuteurs à distance ?

Notons tout d’abord, que la disponibilité des tuteurs est largement attendue par leurs apprenants. Etre disponible, c’est être en mesure d’engager l’échange au moment où l’apprenant en a besoin. Dans l’enquête que j’avais menée auprès d’étudiants sur les ITRQI (interventions tutorales réactives quasi instantanées – réponse dans un délai inférieure à 1 heure), la totalité des répondants avaient exprimés leur désir d’en bénéficier.

Par ailleurs, plusieurs sondages que j’ai réalisés auprès de tuteurs font apparaître que l’immense majorité d’entre eux travaillent les jours fériés. En week-end et parfois en vacances, je me suis vu répondre à des apprenants et je ne suis pas le seul à faire de même.

Pourtant, la disponibilité ne peut être continue. Elle est d’ailleurs cadrée, parfois, dans les chartes tutorales qui lient les tuteurs à leurs institutions et aux apprenants. Négocier leur disponibilité et convenir des modalités d’échanges avec les apprenants est souvent, lors de la première prise de contact, une des actions que mènent les tuteurs à distance.

L’expression « droit à la déconnexion par négociation » est largement paradoxale et préfigure peut-être la confusion qui risque d'être entretenue lors des débats sur la prochaine réforme du droit du travail. Un droit ne se négocie pas, il s’applique et se respecte. C’est le contrat qui se négocie. Le contrat pédagogique de la relation tutorale est effectivement négociable. Ainsi, la déconnexion des tuteurs à distance est parfois négociée, mais le plus souvent, fait l’objet d’entente implicite. Tel apprenant envoyant une demande de soutien à son tuteur en pleine nuit ne s’attend pas à recevoir une réponse immédiate.

Au final, il apparaît que le droit à la déconnexion soit peu adapté à l’activité tutorale, que les tuteurs à distance, travailleurs numériques, soient peu enclins à déconnecter au regard de l'idée qu'ils se font de la délivrance des services de soutien aux apprenants, que la négociation ramenée au savoir-être des apprenants et des tuteurs n’ait aucunement besoin de l’établissement d’un droit, que la relation pédagogique, pour s’épanouir, ait davantage besoin de confiance construite par contrat et par interactions successives plutôt que par l’affirmation d’un droit.

mercredi 2 septembre 2015

Quel rôle pour les tuteurs dans la conception des digital learning ?


La production d’un digital learning impose un travail d’équipe et une dissociation forte entre la phase de conception et celle de la diffusion. L’équipe de concepteurs regroupe des experts de contenus, des pédagogues, des ergonomes, des médiatiseurs et des techniciens. Durant la diffusion, ces acteurs cèdent la place aux tuteurs qui sont chargés d’encadrer, d’accompagner, de soutenir mais aussi fréquemment d’évaluer les apprenants.

Concepteurs et tuteurs n’ont généralement pas l’occasion d’échanger car ils n’interviennent pas en même temps et que l’équipe de conception n’existe souvent plus lorsque la formation est diffusée. Ceci présente des inconvénients qui sont révélés par différentes situations : le tuteur obligé de multiplier des interventions de remédiations car le contenu n’est pas réellement autoportant ; le scénario tutoral n’ayant pas été, ou insuffisamment, décrit, les interventions tutorales diffèrent, parfois fortement, d’un tuteur à un autre ; les activités d’apprentissage se révélant plus coûteuses en temps pour les apprenants que ce qui avait été devisé par les concepteurs, les tuteurs voient se multiplier les sollicitations de report d’échéance, etc.

Dans un article récent, Martine Chomienne, Bruno Poellhuber et Nicole Racette (1) ont traité de la coopération entre tuteurs et concepteurs. Si leur étude est contextualisée au Cegep à distance qui est « la division dédiée à la formation à distance du collège de Rosemont qui lui-même est un établissement post secondaire du ministère de l’Éducation du Québec », il est possible d’en dégager quelques principes généralisables :

  • Lorsque les tuteurs sont aussi des experts de contenu, ils devraient être prioritairement recrutés dans l’équipe de conception.
  • Les tuteurs devraient être sollicités par les concepteurs durant la phase de conception, en particulier pour donner leurs avis sur les activités d’apprentissage et d’évaluation.
  • Les cours conçus ou révisés devraient être présentés aux tuteurs par les concepteurs tant au niveau que du contenu et des activités que sur l’approche pédagogique et les interventions tutorales attendues.
  • Des espaces d’échanges, en présence et à distance, entre concepteurs et tuteurs devraient être aménagés durant la diffusion de la formation, en particulier lors de la première session de la formation, afin que les tuteurs puissent faire remonter les difficultés des apprenants sur tel ou tel aspect du contenu ou du matériel pédagogique et suggérer des modifications.


(1) Coopération entre l’équipe de conception et l’équipe d’encadrement au cégep à distance. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01185049/document