Il arrive que des personnes inscrites à un parcours de FOAD rencontrent des difficultés à admettre, comprendre et investir leur posture d’apprenant à distance. Ce constat, j’ai pu le poser dans différents parcours de formation dans lesquels je suis intervenu soit comme concepteur, soit comme enseignant ou comme tuteur. Dans un premier temps, je m’attache à repérer certaines des manifestations de ce refus de la posture d’apprenant, puis je formule quelques hypothèses sur les causes envisageables et met en exergue les désavantages pour l’apprenant et dans une dernière partie, je traite des actions que le tuteur à distance peut entreprendre pour faire face à cette situation.
Les manifestations du refus de la posture d’apprenant
Ces manifestations sont assez variées et non liées à un public particulier. Je note néanmoins que je les ai plus souvent rencontrées chez les enseignants-chercheurs, les formateurs et les travailleurs sociaux. Je tiens à préciser que cela est certainement relatif aux formations dans lesquelles j’interviens et qu’il ne peut en aucune manière en être tiré des généralités.
Les manifestations que j’ai pu constater sont les suivantes :
- Mise en cause de la légitimité du tuteur à distance
- Mise en cause de la démarche pédagogique du tuteur à distance
- Mise en cause de l’intérêt de la formation
- Refus de réaliser une activité
- Refus de se soumettre aux activités d’évaluation
- Refus de communiquer
- Non démarrage
- Non-respect des échéances
D’autres manifestations existent certainement mais je me borne ici à relever celles auxquelles j’ai été confronté.
Hypothèses sur les causes
Ce qui caractérise ces manifestations de manière générale c’est la fuite face à la situation de formation. L’apprenant qui refuse d’être apprenant semble être un individu qui ne se sent pas à l’aise dans la relation pédagogique. Pour certains, le fait d’être apprenant les renvoie à leurs expériences scolaires qui n’ont pas toujours été positives. Pour d’autres, qui sont eux-mêmes enseignants ou formateurs, ils éprouvent des difficultés, voire des répugnances, à vivre la relation pédagogique en rôles inversés.
Une autre hypothèse est plus centrée sur la représentation que les apprenants refusant d’être apprenant ont de l’apprentissage et du travail de l’apprenant. Pour certains, sensibles aux discours sur le fait que la formation se doit d’être ludique (elle peut bien évidemment l’être mais difficilement n’être que cela) ou pariant davantage sur une construction informelle de leurs savoirs n’ont pas une pleine conscience de l’investissement nécessaire à avoir au sein d’une formation formelle. Les efforts à consentir leur apparaissent d’un coût exorbitant au regard de leurs attentes.
Pour d’autres, et cela est certainement plus réel pour des personnes en activité professionnelle s’inscrivant dans un parcours de formation universitaire, il existe une tendance à penser que la formation doit viser la résolution de leurs problématiques professionnelles et que c’est donc à l’université de mettre en place les modalités permettant de répondre à leurs objectifs personnels. Venant chercher la reconnaissance universitaire, ils éprouvent néanmoins de grandes difficultés à accepter les exigences, en particulier sur le plan théorique, de l’institution.
Pour d'autres encore qui consentent des efforts financiers pour s’inscrire à une formation, la tentation de l’équation : paiement = réussite est présente et les amènent à se soustraire à la posture d’apprenant.
Les désavantages pour l’apprenant
Les désavantages pour l’apprenant refusant la posture d’apprenant peuvent se révéler très importants et les amener à ne pas atteindre ni les objectifs institutionnels de la formation ni même leurs objectifs personnels.
De manière moins définitive, certains vont vivre leur formation dans la frustration, le sentiment de l’échec, la remise en cause de leur estime de soi, le ressentiment ou même la colère vis-à-vis de l’institution et du tuteur à distance.
Les actions que peut entreprendre le tuteur à distance
Les interventions du tuteur à distance face à un apprenant refusant la posture d’apprenant dépendra fortement de la formation elle-même (sa durée, ses objectifs, ses modalités, son cadre académique et réglementaire, etc.) mais aussi des caractéristiques de l’apprenant lui-même. Il n’existe donc pas de réponse universelle et je me borne donc à évoquer quelques interventions génériques.
Un apprenant qui refuse d’être apprenant est un peu comme la personne qui ignore qu’elle ignore. Il faut donc que le tuteur aménage le cadre du conflit cognitif qui seul permettra à l’apprenant de se considérer comme apprenant. Pour ce faire, le rappel du cadre, qui n’est ni plus ni moins que l’agitation du bâton et/ou de la carotte, peut se révéler nécessaire. Ainsi, rappeler que la construction de connaissances n’est pas un dû mais demande de l’engagement personnel est une porte ouverte qu’il faut parfois rouvrir.
Une autre manière, plus soucieuse de l’individu et demandant davantage d’efforts de la part de l’institution et du tuteur à distance est non plus de jouer sur la motivation extrinsèque mais sur la motivation intrinsèque de l’apprenant. Ceci peut toutefois se révéler peu productif dès lors que l’apprenant considérera ces efforts comme n’ayant pour but que de l’amener là où il ne veut pas être.
Informer sur ce qu’est l’apprentissage à distance et sur les compétences qui sont mis en œuvre par les apprenants à distance qui réussissent se révèle être une démarche bénéfique.
D’autres interventions sont bien évidemment imaginables. Elles restent toutefois toujours conditionnées par les moyens dont dispose le tuteur à distance. D’après ce que j’ai pu constater lors de mes différentes expériences, le pourcentage des apprenants refusant définitivement la posture d’apprenant, les "appreNONts" est extrêmement faible. De plus, cela se traduit le plus souvent par des abandons qui font que le tuteur à distance n’a plus de possibilité d’action. S’il est toujours difficile pour un tuteur à distance de voir des apprenants abandonner leur formation, et qu’il peut le vivre comme un échec personnel, il est important pour lui de garder à l’esprit que son action ne relève pas de la magie mais de la relation d’aide qui suppose que l’aidé souhaite l’être.