lundi 30 janvier 2012

A propos des dimensions constitutives de l'autonomie. Par Jacques Rodet

Ultramarine, Tony Tuckson
Dans leur article " La compétence en formation. Entre instrumentalisation de la notion et instrumentation de l’activité", (revue Education & Formation n°e-296) Brigitte Albero et Marc Nagels évoquent les six dimensions constitutives de l’autonomisation et de son instrumentation qui peuvent être tirées de la littérature scientifique s'intéressant à l'autoformation des adultes.

Ces apports sont intéressants et permettent d'aborder la notion même d'autonomie qui semble néanmoins être acceptée par les auteurs comme un prérequis exigible pour les apprenants à distance. Pour ma part, j'ai plutôt tendance à penser que l'exercice de l'autonomie par les apprenants à distance est un objectif transversal à toute FOAD. (cf. Comment le tuteur peut aider un apprenant à exercer son autonomie)  Celui-ci devrait donc se traduire par une conception d'activités spécifiques, d'ordre essentiellement tutoral, afin de faire progresser les apprenants dans l'exercice de leur autonomie. Il me semble également nécessaire de ne pas penser l'autonomie comme une notion absolue mais toujours relative à la réalisation d'activités et de tâches.

Tout en acceptant l'autonomie comme prérequis les auteurs indiquent qu'il est nécessaire d'en vérifier la réalité chez les apprenants. Ils proposent alors un tableau tout à fait pertinent que je reproduis ci-dessous. Or, celui-ci ressemble fortement aux tableaux auxquels aboutit en général l'analyse des besoins d'aide des apprenants qui constitue la première action de l'ingénierie tutorale. La colonne "dimension" étant celle des plans de support à l'apprentissage (cf. les billets sur ce sujet), la colonne "exemples de compétences requises" étant celle des besoins d'aide des apprenants repérés, la colonne "exemple de conduites attendues" étant similaire et la colonne "exemple de mode d'instrumentation" étant alors renommée interventions tutorales (humaines ou instrumentales).

J'en tire les points suivants :
  • Diagnostiquer est essentiel et il y a intérêt à le faire avant même la diffusion de la formation.
  • L'ingénierie tutorale procédant au diagnostic-analyse des besoins d'aide des apprenants permet de positionner l'exercice de l'autonomie comme un objectif et non un prérequis dont il faut vérifier la présence
  • L'autonomie n'est jamais l'absence d'aide
  • L'aide peut être fournie par une ressource ou une personne-ressource. 
  • L'aide aboutit à l'accroissement de la capacité de l'apprenant à exercer son autonomie 
  • Le point de départ de l'exercice de son autonomie par un apprenant à distance commence par le repérage de ses besoins d'aide pour s'acquitter de ses tâches d'apprenant à distance
  • L'aide aux apprenants à exercer leur autonomie est une des raisons d'être du tutorat à distance et de son ingénierie

Six dimensions constitutives de l’autonomisation et de son instrumentation.
Quelques exemples de compétences requises, conduites attendues et modes d’instrumentation.
Brigitte Albero et Marc Nagels


lundi 23 janvier 2012

Point d'étape de tutvirt, le blog du tutorat à distance dans les mondes virtuels

tutvirt est un blog à plusieurs mains qui s'intéresse au tutorat à distance dans les mondes virtuels. Il regroupe Christophe Batier, Jean-Paul Moiraud et moi-même. 

Ci-dessous une petite vidéo faisant un point d'étape en novembre 2011



Le diaporama de synthèse en novembre 2011Synthese 2011

Liens vers les billets publiés

A voir également la chaine MrMoiraud sur You Tube qui répertorie des vidéos de reportages dans les mondes virtuels

mercredi 18 janvier 2012

De la fonction tutorale « administrativo-commerciale » : Aider les apprenants à formaliser leur projet de formation. Par Jacques Rodet

Richard Diebenkorn
Avant le projet, il y a d’abord la manifestation d’un désir. Celui-ci n’est bien souvent que peu précis, idée vague mais prégnante. C’est de sa force, mais aussi de la manière dont elle est entretenue que le désir peut se transformer en projet au lieu d’être ravalé au simple stade de la velléité. Avoir le désir de parler couramment l’anglais, par exemple, n’aboutira à un projet de formation et à l’engagement dans celui-ci que si sa force est suffisante. Les éléments constitutifs de cette force, de cette intensité, sont variés. Ils peuvent être issus de l’individu, de son entourage ou de son environnement professionnel. Quoiqu’il en soit, c’est sur eux que se construit progressivement la motivation intrinsèque de l’individu. C’est cette motivation qui va le pousser mais aussi l’autoriser à transformer son désir en projet. 

Un projet n’a pas la spontanéité d’un désir. C’est une démarche qui se construit selon certaines étapes dont la première, sa définition, n’est pas la moins importante. Puis, il s’agit de le concevoir et enfin de le réaliser avant de l’évaluer. Dès lors, il est significatif que le processus qui préside à l’émergence d’un projet nécessite certaines aptitudes à l’anticipation, à la projection, à la détermination des actions qui le feront mûrir, à leur agencement et planification, etc.

Si une institution de formation à distance peut difficilement agir (heureusement ;-), sur les désirs de ses futurs apprenants, les questions qui se posent sont les suivantes : A-t-elle intérêt à faciliter leur passage du désir au projet ? Si oui, quels sont les moyens qu’elle peut mettre à leur disposition ? Ceux-ci ne relèvent-ils pas du tutorat ? Du moins d’une dimension particulière du tutorat qui est en lien avec la démarche administrative et  commerciale ? Afin d’apporter quelques premiers éléments de réponses à ces questions, j’aborderai la présentation de l’offre de formation puis l’écoute de l’individu et de ses désirs.

La présentation de l’offre de formation
Dans le domaine de la formation, et plus particulièrement de la formation à distance, les parcours et ressources sont conçus et réalisés par les institutions bien en amont de la diffusion de la formation. Il s’agit donc le plus souvent d’une démarche d’offre de formation et non de réponse à un besoin particulier exprimé. Bien évidemment, l’habileté à dimensionner son offre permet de rejoindre certains besoins repérés de manière générique. La présentation de l’offre est donc essentielle. Ne fournir que des fiches programme dans toute leur sècheresse peut se révéler bien insuffisant. La mise à disposition d’un syllabus permettra aux futurs apprenants de mieux situer l’adéquation entre leur désir et la formation proposée. Ce que confirme Amaury Daele dans son billet « Développer un syllabus de cours »  « Dans l’enseignement supérieur, on s’accorde en général à dire qu’un syllabus est une présentation générale d’un cours qui reprend toutes les informations à savoir par les étudiant-e-s à son sujet: table des matières, objectifs, planification des activités, modes d’évaluation, informations pratiques, etc. […] L’objectif d’un syllabus est surtout descriptif. Il s’agit d’expliquer de quoi un cours parle et comment il s’organise. Il s’agit donc à la base d’un outil de communication entre un-e enseignant-e et ses étudiant-e-s mais aussi pour présenter un cours au sein d’un programme de formation. »  

Un autre élément me semble décisif, la présentation des services d’accompagnement et de tutorat que l’institution propose. Mettre en évidence les dispositions tutorales qui contribuent à la réussite de l’apprenant peut ainsi se révéler un véritable argument commercial.

L’écoute de l’individu et de son désir
Les prospects d’une institution de formation entrent tout d’abord en contact avec un commercial ou un administratif. Dans ce secteur d’activité, peut-être encore plus que dans d’autres, c’est de technico-commerciaux, ici des « administrativo-commerciaux », dont l’institution a besoin. Outre leurs compétences commerciales et administratives, ils devraient également posséder une capacité à l’écoute active des prospects-candidats de la formation. Cette écoute ne vise pas la seule reconnaissance au sein du désir des rapprochements et articulations avec l’offre de formation (l’orientation). C’est à partir de cette écoute que pourra se faire jour  l’acte d’engagement, d’inscription, d’achat, bref ce qui transformera le statut du prospect-candidat en apprenant et le désir en projet. Ecouter et manifester son écoute, reformuler pour permettre à l’individu d’entendre son désir, de l’objectiver, de le dépassionner, de l’opérationnaliser, questionner de manière ouverte, faire preuve d’empathie, sont autant d’actions que l'« administrativo-commercial », à l’instar d’un tuteur, doit mener pour autoriser l’individu à s’engager sur la voie de son projet.

Bien fréquemment, cette écoute est celle que procure les personnes qualifiées de « tuteurs-administratifs ». Pour l’illustrer et clore ce billet, je laisse la parole à quelques  étudiants du master MFEG de Rennes 1 qui témoignent de l’importance des médiations qu'ils ont eues avec les tutrices administratives.
  • « Dans mon expérience personnelle, cet "accompagnement administratif" a été très important pour me permettre tout simplement d'aller au bout de l'inscription au master après un parcours modulaire, alors même que j'étais motivée mais qu'en raison de quelques retards administratifs, j'avais renoncé. »  
  • « […] l'aide apportée par les tutrices (et oui le tutorat se décline au féminin) administratives qui au-delà des réponses à mes questions, ont su se rendre disponibles (au sens de l'écoute accordée) et s'engager dans une relation de confiance qui nous a permis d'avoir des échanges particulièrement conviviaux et efficaces même lors de tracas administratifs. » 
  • « […] au-delà de leur mission "administrative", nos deux interlocutrices (les tutrices administratives) […] contribuent à la réussite de la « 1ère bataille », en évitant par exemple l’abandon […] Leurs réactivités et soutiens dans le montage financier de mon dossier m’ont « libérée » de ce poids administratif pas toujours très simple et parfois complexe, me permettant d’aborder ce master plus sereinement. Il est rassurant également de savoir que tout au long de l’année, leur disponibilité sera tout aussi réelle au moindre problème rencontré, par leur capacité d’écoute et de conseils. » 
  • «  Une fois la porte passée, l’accueil, la disponibilité, l’écoute ont été sans faille me concernant. Mais plus encore qu’un suivi administratif pour la constitution d’un dossier, j’ai aussi été renseignée sur le master, son organisation, la charge de travail etc. Les réponses aux questions que je me posais m’ont aidé dans les choix à faire pour suivre cette formation et ont renforcé ma motivation.  »
  • « [...] le service apporté par nos 2 tutrices administratives a pour moi, été au-delà du simple contact administratif et relève bien du tutorat : je n'étais pas au guichet de la préfecture avec un ticket numéroté mais avec une interlocutrice qui savait qui j'étais et quel était le problème à résoudre. Et ça rassure et nous aide à conclure !  » 
Ces témoignages montrent que le passage du désir au projet nécessite souvent un accompagnement qui par bien des aspects est un tutorat.

lundi 9 janvier 2012

Les appreNONts : Du refus de la posture d’apprenant. Quelles réponses peut formuler le tuteur à distance ? Par Jacques Rodet

Il arrive que des personnes inscrites à un parcours de FOAD rencontrent des difficultés à admettre, comprendre et investir leur posture d’apprenant à distance. Ce constat, j’ai pu le poser dans différents parcours de formation dans lesquels je suis intervenu soit comme concepteur, soit comme enseignant ou comme tuteur. Dans un premier temps, je m’attache à repérer certaines des manifestations de ce refus de la posture d’apprenant, puis je formule quelques hypothèses sur les causes envisageables et met en exergue les désavantages pour l’apprenant et dans une dernière partie, je traite des actions que le tuteur à distance peut entreprendre pour faire face à cette situation.

Les manifestations du refus de la posture d’apprenant
Ces manifestations sont assez variées et non liées à un public particulier. Je note néanmoins que je les ai plus souvent rencontrées chez les enseignants-chercheurs, les formateurs et les travailleurs sociaux. Je tiens à préciser que cela est certainement relatif aux formations dans lesquelles j’interviens et qu’il ne peut en aucune manière en être tiré des généralités.

Les manifestations que j’ai pu constater sont les suivantes :
  • Mise en cause de la légitimité du tuteur à distance
  • Mise en cause de la démarche pédagogique du tuteur à distance
  • Mise en cause de l’intérêt de la formation
  • Refus de réaliser une activité
  • Refus de se soumettre aux activités d’évaluation
  • Refus de communiquer
  • Non démarrage
  • Non-respect des échéances
D’autres manifestations existent certainement mais je me borne ici à relever celles auxquelles j’ai été confronté.

Hypothèses sur les causes
Ce qui caractérise ces manifestations de manière générale c’est la fuite face à la situation de formation. L’apprenant qui refuse d’être apprenant semble être un individu qui ne se sent pas à l’aise dans la relation pédagogique. Pour certains, le fait d’être apprenant les renvoie à leurs expériences scolaires qui n’ont pas toujours été positives. Pour d’autres, qui sont eux-mêmes enseignants ou formateurs, ils éprouvent des difficultés, voire des répugnances, à vivre la relation pédagogique en rôles inversés.

Une autre hypothèse est plus centrée sur la représentation que les apprenants refusant d’être apprenant ont de l’apprentissage et du travail de l’apprenant. Pour certains, sensibles aux discours sur le fait que la formation se doit d’être ludique (elle peut bien évidemment l’être mais difficilement n’être que cela) ou pariant davantage sur une construction informelle de leurs savoirs n’ont pas une pleine conscience de l’investissement nécessaire à avoir au sein d’une formation formelle. Les efforts à consentir leur apparaissent d’un coût exorbitant au regard de leurs attentes. 

Pour d’autres, et cela est certainement plus réel pour des personnes en activité professionnelle s’inscrivant dans un parcours de formation universitaire, il existe une tendance à penser que la formation doit viser la résolution de leurs problématiques professionnelles et que c’est donc à l’université de mettre en place les modalités permettant de répondre à leurs objectifs personnels. Venant chercher la reconnaissance universitaire, ils éprouvent néanmoins de grandes difficultés à accepter les exigences, en particulier sur le plan théorique, de l’institution.

Pour d'autres encore qui consentent des efforts financiers pour s’inscrire à une formation, la tentation de l’équation : paiement = réussite est présente et les amènent à se soustraire à la posture d’apprenant.

Les désavantages pour l’apprenant
Les désavantages pour l’apprenant refusant la posture d’apprenant peuvent se révéler très importants et les amener à ne pas atteindre ni les objectifs institutionnels de la formation ni même leurs objectifs personnels.

De manière moins définitive, certains vont vivre leur formation dans la frustration, le sentiment de l’échec, la remise en cause de leur estime de soi, le ressentiment ou même la colère vis-à-vis de l’institution et du tuteur à distance. 

Les actions que peut entreprendre le tuteur à distance
Les interventions du tuteur à distance face à un apprenant refusant la posture d’apprenant dépendra fortement de la formation elle-même (sa durée, ses objectifs, ses modalités, son cadre académique et réglementaire, etc.) mais aussi des caractéristiques de l’apprenant lui-même. Il n’existe donc pas de réponse universelle et je me borne donc à évoquer quelques interventions génériques.

Un apprenant qui refuse d’être apprenant est un peu comme la personne qui ignore qu’elle ignore. Il faut donc que le tuteur aménage le cadre du conflit cognitif qui seul permettra à l’apprenant de se considérer comme apprenant. Pour ce faire, le rappel du cadre, qui n’est ni plus ni moins que l’agitation du bâton et/ou de la carotte, peut se révéler nécessaire. Ainsi, rappeler que la construction de connaissances n’est pas un dû mais demande de l’engagement personnel est une porte ouverte qu’il faut parfois rouvrir. 

Une autre manière, plus soucieuse de l’individu et demandant davantage d’efforts de la part de l’institution et du tuteur à distance est non plus de jouer sur la motivation extrinsèque mais sur la motivation intrinsèque de l’apprenant. Ceci peut toutefois se révéler peu productif dès lors que l’apprenant considérera ces efforts comme n’ayant pour but que de l’amener là où il ne veut pas être.

Informer sur ce qu’est l’apprentissage à distance et sur les compétences qui sont mis en œuvre par les apprenants à distance qui réussissent se révèle être une démarche bénéfique. 

D’autres interventions sont bien évidemment imaginables. Elles restent toutefois toujours conditionnées par les moyens dont dispose le tuteur à distance. D’après ce que j’ai pu constater lors de mes différentes expériences, le pourcentage des apprenants refusant définitivement la posture d’apprenant, les "appreNONts" est extrêmement faible. De plus, cela se traduit le plus souvent par des abandons qui font que le tuteur à distance n’a plus de possibilité d’action. S’il est toujours difficile pour un tuteur à distance de voir des apprenants abandonner leur formation, et qu’il peut le vivre comme un échec personnel, il est important pour lui de garder à l’esprit que son action ne relève pas de la magie mais de la relation d’aide qui suppose que l’aidé souhaite l’être.

mardi 3 janvier 2012

Apprentissages plus ou moins formels Episode 4: l’apprenant lui-même. Par Jean Vanderspelden

Dans les trois premiers épisodes de cette série, la tendance des arguments avancés était, à la fois, de marquer une frontière (fictive) entre les apprentissages formel et informel, et aussi, d’égrener les porosités positives émaillant nos vies. A l’évidence, l’apprentissage informel est aussi présent dans l’apprentissage formel et inversement ! Le point de vue de l’apprenant, développé ci-dessous, confirme le fait que, dans la société numérique de la connaissance, ce n’est plus systématiquement la personne qui se déplace physiquement vers le savoir, mais les savoirs qui s’offrent, sous différentes formes, aux personnes via leurs activités personnelle, sociale et professionnelle. De nombreux espaces-temps entremêlés s’ouvrent à nous.

Une capacité d’adaptation
Dans toute situation formelle d’apprentissage, l’écolier, le collégien, l’étudiant et le stagiaire s’adaptent. Dans un article paru dans le livre «Apprendre avec les technologies» (1), Nathalie Deschryver rappelle l’importance de la perception qu’ont les apprenants de leurs environnements, éducatif ou formatif, et de leur capacité à y ajuster leur comportement. De manière un peu caricaturale, on pourrait dire qu’ils se retrouvent, soit dans un système plutôt fermé où le modèle s’appuie sur la transmission des savoirs en privilégiant le modèle «Mémoriser pour hiérarchiser», soit dans un dispositif plutôt entrouvert où l’organisation vise une dynamique d’aide à l’appropriation des connaissances, en mobilisant le schéma «Explorer pour structurer». Dans ces deux références, la place de l’apprenant n’est pas la même et sa disposition à prendre des initiatives, à faire des liens, à s’appuyer sur ses expériences, et donc, à mobiliser ses apprentissages informels, n’est pas valorisée de la même manière. Plus l’environnement sera ouvert, en articulant et en régulant des espaces-temps d’apprentissage et de production, favorables aux interactions et à la collaboration, plus les participants auront tendance à enrichir leurs échanges, en liant et en renforçant leurs postures d’apprentissage dans leurs sphères publique et privée. A l'inverse, pour éviter de subir des situations difficiles où des injonctions paradoxales peuvent être formulées dans des systèmes laissant, au final, peu de place à l’initiative individuelle ou collective, ils apprennent vite à mettre des barrières, nécessaires et provisoires, entre leur temps de formation, à l’école, à l’université, en organisme ou en entreprise et leur vraie vie.

Une capacité d’auto-organisation
Au XIXème siècle, l’historien H. Brooks Adam proclamait «Ceux qui savent apprendre, en savent assez !». Aujourd’hui, la fracture sociale repose sur les mêmes bases ; ceux qui savent «apprendre à apprendre» et les autres ; ceux qui savent et peuvent profiter de toutes situations pour développer leurs compétences et les autres. Ces conditions peuvent être intentionnelle ou fortuite, expérientielle ou didactique, autodirigée ou non, formelle ou informelle. Ces personnes déploient des motivations variées pour exploiter positivement ces situations : le plaisir, la nécessité, le hasard, la curiosité, la compétition, le défi, le jeu, l’échange, le don, etc… à la seule condition de se reconnaître et d’être reconnu comme «Apprenant tout au long et tout au large de sa vie». Nos métiers d’acteurs du savoir, dont celui de tuteur, ont donc un double fondement : participer au développement des compétences et accompagner la capacité de chacun d’entre-nous à s’inscrire durablement dans sa propre dynamique d’apprenance. Dans l’aménagement de ses temps et ses espaces, iI s’agit bien de ré-éclairer les concepts de motivation et de régulation comme un outil levier sur le Sentiment d’Efficacité Personnelle (2). La confiance en ses aptitudes personnelles d’auto-direction se développe dans un continuum, entre un milieu capacitant organisé avec des ressources, des managers, des formateurs facilitateurs et un milieu ouvert, animé d’initiatives personnelles et des stratégies collaboratives avec ses proches et ses pairs.

Une capacité d’outillage
Si aujourd’hui sur Internet, on peut «lire la télévision», «écouter son journal», «regarder la radio» et «consommer à domicile», d’autres activités, plus formatives, apparaissent avec l’usage croissant des machines connectées comme les tablettes ou autres ordiphones, par exemple. On peut mobiliser ses outils numériques (3) pour transformer des temps personnel et/ou professionnel en une succession de micro-séances d’auto-apprentissage : échanger au sein d’une communauté d’intérêts ; actualiser et enrichir son blog ou son site, tenir à jour et animer ses liens sur son réseau social, consulter une encyclopédie en ligne; contribuer à distance à la rédaction d’une note dans un espace collaboratif ; se télé-former avec des portails, des LMS, des classes virtuelles, des WebTV, bénéficier d’un soutien distant par visiophonie, etc… Plus que l’outil, c’est bien leurs fonctions de mémoires partagées et d’échanges facilitées dans les organismes de formation (4) ou dans les entreprises qui vont donner du sens à nos activités réflexives d’apprentissage collaboratives. Au delà de la réelle fracture numérique, si les équipements personnels se généralisent, là encore, on peut constater qu’une partie des internautes utilisent avec plus d’efficacité et de pertinence ces technologies pour conforter leur dynamique d’apprentissage tout au long de leur vie. Pour certains, la société de consommation reprend ses «marques» dans le triptyque marketing «Social, Local & Mobile».

En s’adaptant, en s’auto-organisant et en s’outillant, chaque personne peut prendre l’initiative de faire résonner ces temps d’apprentissages formel et informel, à son bénéfice. Pour cela, une double condition nous semble nécessaire : être (et avoir été) valorisé sur ses territoires comme sujet apprenant et interagir dans des environnements relativement sereins. Du coté des apprenants, on pourrait dire que la reconnaissance précède la connaissance, et cela, quel que soit le niveau de numérisation de son milieu de vie.

Illustration tirée de l’album «Jugar con ma Luna» par Astroturismlo – Eventos, via Facebook. Si la terre est bleue comme une orange, alors la lune est proche comme une balle ! 


Notes
(1) «Apprendre avec les technologies» - sous la direction de Bernadette Charlier et France Henri - www.puf.com – 2010 Article «Internet, quel impact sur les manières d’apprendre ?» - Nathalie Deschryver.
(2) SEP proposé dès 1997 par Albert Bandura – Voir «Les applications du sentiment d’efficacité personnelle» - Jacques Lecomte : www.cairn.info/revue-savoirs-2004-5-page-59.htm
(3) ses propres appareils ou ceux disponibles dans des lieux ad-hoc : EPN, P@T, APP, OF, CFA, bibliothèque, médiathèque, association, université, entreprise, etc… Voir liste des EPN sur http://delegation.internet.gouv.fr/bddui/api/accespublic/index.php
«Apprentissage formels ou informels, les deux mon Capitaine !» - Frédéric Domon – Décembre 2011 - http://www.socialearning.fr/nos-actualites/163-apprentissage-formel-ou-informel
(4) SoLoMo terme proposé par John Dorr en février 2011 (http://schott.blogs.nytimes.com/2011/02/22/solomo/) et issu de l’évolution marketing du Web 2.0