S’il existe une manière optimale de réaliser une ingénierie tutorale, il faut bien reconnaître que la réalité des organisations qui y ont recours ne permet pas de la mettre toujours en place de manière exhaustive. Il n’existe donc pas une, mais des ingénieries tutorales, pour lesquelles j’ai précédemment proposé une typologie dont voici le schéma général (cf. Les différents types d’ingénierie tutorale).
Il est intéressant et profitable pour l’ingénieur tutoral mais également pour les acteurs qui font appel à lui, d’analyser l’ingénierie tutorale à laquelle il a été procédé. Pour cela, il peut utiliser le « Dodécagone d’une ingénierie tutorale » où les douze actions permettant de produire les quatre livrables de l’ingénierie tutorale sont positionnées.
Une échelle de quatre indicateurs sur le niveau de réalisation de chacune des actions permet de qualifier la pratique de l’ingénieur tutoral pour une formation donnée. Les indicateurs sont à préciser et, à titre d’exemple, leur définition peut être la suivante :
- action non réalisée
- action réalisée minoritairement
- action réalisée majoritairement
- action entièrement réalisée.
Exemple d’utilisation du dodécagone d’analyse d’une ingénierie tutorale
Dans cet exemple, tiré d’une de mes expériences réelles d’ingénieur tutoral, sur une formation hybride d'une centaine d'heures réparties sur six mois, nous pouvons constater que la production des livrables de l’ingénierie tutorale a été partielle.
Le système tutoral n’a pas été très élaboré. En particulier l’analyse des besoins de soutien n’a été réalisée qu’à partir de la littérature et n’a pas fait l’objet d’enquête spécifique. De même, la priorisation des réponses tutorales n’a eu pour déterminant que le quantum horaire consacré au tutorat et s’est imposée d’elle-même en concentrant les interventions tutorales sur les réponses aux besoins de soutien les plus basiques. Les profils de tuteurs ont été identifiés théoriquement mais aucun rapprochement avec les fonctions des acteurs pressentis n'a réellement été négocié et établi.
Le scénario tutoral, qui était l'objectif unique du commanditaire a été réalisé entièrement. Les interventions tutorales retenues ont été positionnées au regard du scénario pédagogique et ont fait l'objet d'une description contenant des plans d'actions, des modèles de messages, des guides d'entretiens ou encore des conducteurs de classes virtuelles. Chacune des interventions tutorales a été quantifiée dans le respect du quantum horaire qui avait été défini par le commanditaire. Une charte tutorale a également été rédigée.
Le plan de diffusion s’est limité à ne former qu’une partie des formateurs-tuteurs d'une part parce que le parcours de formation n’était que proposé et demandait une démarche volontaire de participation de la part des personnes concernées et que d'autre part, la publicité de cette formation est restée modeste. Par ailleurs, aucun outil de suivi de la relation tutorale n’a été mis en place, ce qui ne facilite pas la remontée d'informations sur la réalité de la diffusion des services tutoraux, ni une vision précise des tuteurs sur leurs actions ni encore la mutualisation de celles-ci entre tuteurs. Enfin, le dispositif tutoral n’a pas fait l’objet d’un réel modèle économique identifiant les coûts totaux du tutorat et les gains qui peuvent lui être attribués (cf. http://www.jrodet.fr/presROI/index.htm nécessite Flash). Seule la rémunération des tuteurs a été déterminée.
A contrario, un audit tutoral a été entièrement réalisé à la suite des premières expérimentations de cette formation. Les préconisations qui en sont issues portaient essentiellement sur la nécessité d’analyser plus finement les besoins de soutien des apprenants, ce que l’audit a permis partiellement de faire, sur un allègement des contraintes de temps accordé aux tuteurs, sur des modalités d’accompagnement davantage synchrones et collectives, sur une meilleure définition des profils de tuteurs et de l’affectation des interventions tutorales à leur charge, sur un renforcement de la formation au tutorat des formateurs-tuteurs et autres tuteurs.
Dès lors, une réingénierie tutorale s’est révélée possible, demandant une nouvelle production ou actualisation de l’ensemble des livrables.
Au final, l'ingénierie tutorale initiale s'est révélée être proche du type « Pragmatique ».
Cet exemple nous montre, qu’en matière d’ingénierie tutorale, l’important est dans un premier temps de tenir compte des contraintes contextuelles, d’engager des premières actions permettant de répondre aux demandes expresses du commanditaire et de réaliser un audit tutoral afin d’enclencher un nouveau cycle permettant de se rapprocher d’une ingénierie tutorale « optimale ».