jeudi 8 avril 2010

Etre à l'écoute des apprenants sur leurs attentes de tutorat. Par Jacques Rodet


Il semble que les concepteurs de dispositifs de formation à distance ou mixte prennent de mieux en mieux en compte les besoins de soutien des apprenants. Les plus conscients de l'importance de la qualité de la diffusion de la formation et non plus seulement de la conception et de la réalisation des ressources de contenu, imaginent donc différentes solutions d'accompagnement des apprenants à distance : identification des profils de tuteurs et de leurs rôles, type d'interventions tutorales proactives et réactives, activités collaboratives, tutorat par les pairs, etc.

Toutefois, ces démarches, forcément conçues avant la diffusion de la formation, correspondent-elles de manière adéquate aux attentes des apprenants ? Ne traduisent-elles pas davantage les représentations des concepteurs sur ce que doit être le support aux apprenants ?

S'il n'y a pas a dénier par principe, aux concepteurs, une réelle expertise sur le dimensionnement des interventions tutorales et des services de support à l'apprenant, nous pouvons néanmoins constater que l'avis des apprenants ne peut que difficilement être pris en compte au moment de la conception. Il y aurait donc intérêt à vérifier auprès des apprenants, une fois la formation diffusée, que les dispositions tutorales correspondent bien à ce dont ils ont besoin et si elles leur sont accessibles, c'est-à-dire s'ils sont prêts à les utiliser et à s'y investir.

A cet égard, le témoignage dans Le Devoir.com de Danielle Paquette, professeure à la Téluq et membre du GIREFAD, est assez révélateur : « On met en place des moyens d'apprentissage, mais les étudiants les "trafiquent" plutôt ou ne les utilisent pas ». Ainsi du dialogue entre les pairs et des activités collaboratives « Si c'est important, les étudiants n'en veulent pas ! La plupart nous ont dit que, justement, ils ont choisi la formation à distance pour ne pas avoir à faire des travaux d'équipe, ni devoir être à un même endroit au même moment pour des rencontres plus ou moins utiles. »

Entre ce qui apparaît important aux concepteurs, tel la collaboration entre les pairs et ce que certains apprenants à distance reconnaissent comme utile pour l'atteinte de leurs objectifs d'apprentissage, il peut donc exister des différences.

Deux démarches, à mon sens, sont susceptibles de réduire cette distance entre les visions des concepteurs et des apprenants en matière de tutorat. D'une part, un effort de présentation accru des différentes modalités de support à l'apprentissage devrait être effectué dès l'inscription des apprenants dans un parcours de formation à distance. Cela permettrait aux apprenants de mieux percevoir l'intérêt pour eux de solliciter de l'aide et de s'investir dans les activités d'échanges entre pairs. Ceci est d'autant plus important que nombreux sont les apprenants qui font le choix de la formation à distance pour échapper aux contraintes du groupe classe. Or, les activités collaboratives, notamment synchrones, réduisent la promesse de l'individualisation et de l'apprentissage à son rythme. Si les interactions entre apprenants sont considérées comme importantes, et je pense qu'elles le sont, il faut a minima en expliquer les raisons aux apprenants.

D'autre part, il serait utile d'associer d'une manière ou d'une autre les apprenants à la définition des services tutoraux dont ils peuvent bénéficier. C'est par l'ouverture au dialogue avec les apprenants que les tuteurs seront les plus à même de vérifier que les intentions des concepteurs correspondent aux attentes réelles des apprenants. Ceci est exigeant et demande du temps. C'est à partir d'une proposition initiale des concepteurs en matière de services tutoraux, explicitée aux apprenants par les tuteurs, que le dialogue avec les apprenants peut être initié. Cela demande de s'inscrire dans une démarche d'amélioration continue et donc de reconnaître que l'offre initiale n'est pas forcément parfaite.

C'est ce type de démarche que j'ai eu l'occasion de mettre en place au sein du Master MFEG de Rennes 1 et que je présenterai au GIREFAD, dans le cadre du 78e congrès de l'ACFAS au mois de mai prochain.

A suivre donc, dans quelques semaines...


Illustration : Fernando de Szyszlo, Sol Negro, 1992.
L'image dans son contexte, sur la page : artscenecal.com/.../Articles0400/FSzyszlo2.html



2 commentaires:

Tatia a dit…

Ayant été moi-même étudiante à distance sur deux plateformes différentes, puis tutrice à mon tour…
Je trouve que l`éducation exploite les TIC pour l`instant d`une façon assez classique, les environnements FOAD actuellement sont axés sur la régulation externe du processus d`apprentissage (choix du dispositif, des outils par l`enseignant ou l`institution).
Je trouve qu`il n`y a pas une reconnaissance suffisante de la compétence accrue des utilisateurs. On peut également s`interroger sur l` ouverture des pratiques tutorales en ligne vers le partage des outils et de l`espace de formation avec ses apprenants. On peut envisager de prendre appui sur l`intérêt des apprenants pour les TIC - par l`intérêt que les apports des nouvelles technologies suscitent dans la vie de tous les jours - et sur leurs compétences dans ce domaine afin de favoriser un investissement plus grand de leur part dans leur processus d`apprentissage.
Les échanges collaboratifs sur les réseaux « social media » existent bien. En formation à distance, ce qui peut poser problème c`est la perception que l`on peut avoir de son "environnement social facilitant et stimulant". Le soutien de l`autonomie peut influencer la perception des apprenants d`une façon positive, car ils seront amenés à reconnaitre qu`ils peuvent exercer des choix à propos de leur comportement et réduira ainsi le poids des contrôles externes. Par ailleurs, la maitrise des outils fait écho au besoin d`estime…
Je suis d`accord, peut-être qu`il faudrait considérer à mettre en place une relation pédagogique encourageant les apprenants à initier les actions pour eux-mêmes en se fondant sur leurs propres intérêts et valeurs.

BOUSSAFSAF Badreddine a dit…

D'après ce que j'ai compris, le problème se pose,en fait, au niveau des apprenants dans la mesure où l'on les oblige à suivre une formation dans un dispositf de foad auquel ils ne sont pas habitués. Doit-on les motiver d'avantage pour qu'ils abandonnent l'ancienne formule d'apprentissage classique et adopter la nouvelle? Dans quel but? Faciliter la réussite et diminuer l'échec universitaire. Comment faire pour entrainer l'adhésion des apprenants à ce "new deal". En tout cas, l'apprenant possède une seule stratégie : réussir à ses études quelque soit les recettes qui lui sont proposées. L'apprenant ne maîtrise pas souvent les termes de tuteur, de concepteur ou autres acteurs des dispositifs FOAD.
Ce sont peut être ces considérations qui rendent difficile la mise en place de ces nouveaux systèmes que ce ce soit au niveau des enseignants, des apprenants et des responsables de l'institution. C'est un sérieux objectif-obstacle pour la formation à distance.
La réticence est de règle! Et les abandons de foad ne sont pas à négliger.
Revoyons,donc,nos stratégies pour relever le défi du 21ème siècle!!!