Il y a de nombreuses manières d’appréhender la cohérence du temps dédié aux services tutoraux d’un digital learning avec les ambitions tutorales de l’institution et les besoins des apprenants. La plus évidente est d’organiser une remontée d’informations venant des apprenants sur leurs ressentis. Ceci peut prendre la forme d’évaluation en cours ou en fin de parcours et mobiliser les outils que sont les questionnaires et les entretiens individuels ou collectifs. Une autre manière de faire est d’interroger les tuteurs sur leurs pratiques, en particulier pour vérifier si le temps qui leur est accordé, souvent un forfait, se révèle en correspondance avec celui de leur travail effectif. Le corollaire de cette dernière méthode est qu’une comptabilisation des temps effectifs soit réellement effectuée, que ce soit par l’institution (mais certaines interventions tutorales ne provoquent pas de traces dans le LMS) ou que ce soit par les tuteurs eux-mêmes qui doivent alors s’astreindre à noter l’ensemble de leurs interventions et le temps qu’elles leur demandent.
Toutes ces méthodes, pour très utiles qu’elles soient, et qui gagneraient à être mises en pratique plus fréquemment, présentent néanmoins un inconvénient lié au fait qu’elles ne font qu’enregistrer le réel mais ne le précède pas, que les conclusions qu’il est possible d’en tirer ne sont valables que pour la prochaine édition du digital learning concerné.(1)
Le taux tutoral
Comme je l’ai souvent évoqué(2), une des tâches du concepteur est de produire le scénario tutoral afin d’identifier les interventions tutorales nécessaires, de les quantifier et de préparer les futurs tuteurs à les mettre en œuvre. Dès lors que ce travail de conception est réalisé, il parait opportun, avant même la diffusion du digital learning, d’être en mesure d’identifier la part temporelle dédiée au tutorat.
Afin de réaliser cette vérification et pour faciliter la comparaison de l’importance du tutorat entre différents dispositifs, et après avoir expérimenté différentes méthodes ces dernières années, celle qui me parait la plus pertinente se résume à une simple formule de calcul, celle du taux tutoral.
Taux tutoral = Temps du tutorat : (Temps du parcours x nombre d’apprenants)
Lorsque le temps tutoral n’a pas encore été identifié, il est possible d’en déterminer le volume à partir du choix d’un taux.
Temps du tutorat = (Temps du parcours x nombre d’apprenants) x taux tutoral choisi
Comme pour toute échelle, les catégories sont déterminées par des valeurs minimales et maximales qui peuvent paraître bien arbitraires. Aussi précisons qu'un taux de 0,051 emprunte davantage au périmètre de la catégorie D qu'à celui de la catégorie E à laquelle il appartient.
Les travaux autocorrigés sont des quizz comportant des rétroactions standards.
Les corrigés sont standards et présentent les résultats qui étaient attendus.
Les commentaires formatifs soulignent les points réussis, expliquent pourquoi les résultats sont insuffisants au regard des attentes, donnent des pistes d'approfondissement pour la poursuite de l'apprentissage. Ils sont personnalisés lorsqu'ils tiennent compte des caractéristiques des apprenants ou du groupe d'apprenants dans le cas des travaux collaboratifs.
Le nombre de travaux nécessitant une évaluation personnalisée ainsi que les modalités d'animation des forums constituent des variables qui influent fortement sur le temps tutoral.
La différence entre l’individualisation et la personnalisation que j’établis est la suivante. L’individualisation permet d’adapter les interventions tutorales à des publics présentant des caractéristiques communes. Par exemple, les individus ne possédant pas telle ou telle connaissance préalable, les individus ayant une motivation faible pour le parcours de formation, les individus ne disposant que peu de temps pour effectuer le parcours de formation, etc. De son côté, la personnalisation permet d’adapter les interventions tutorales en fonction des caractéristiques de l’apprenant concerné.(3)
Si l’on applique la formule du taux tutoral cela donne
26 : (20 x 60) = 0,021.
Le temps accordé au tutorat, se situant dans le bas de la catégorie D. Cela indique que le périmètre tutoral emprunte à la catégorie C et D. En l'occurrence, il est possible d'estimer que les tuteurs pourront répondre à la grande majorité des besoins des apprenants mais que la personnalisation restera faible voire exceptionnelle.
Si le concepteur de cette formation souhaite introduire une réelle personnalisation, il peut calculer le temps tutoral à partir des extrêmes des taux de la catégorie E :
(20 x 60) x 0,05 = 60 heures
(20 x 60) x 0,1 = 120 heures
Le temps tutoral doit donc se situer entre 60 et 120 heures. La valeur médiane de 90 heures permettant assurément de couvrir le périmètre tutoral de la catégorie E.
Le taux tutoral peut permettre aux concepteurs d'évaluer plus facilement les temps du tutorat, la proportion du tutorat de leur digital learning et de déduire le coût de la délivrance de ces services tutoraux. Toutefois, sa validité se limite aux FOAD et autres SPOC où les apprenants se comptent en dizaines ou quelques centaines. En effet, les spécificités des MOOCs, en particulier la massification, obligent à penser et à quantifier le tutorat d’une autre manière, sur laquelle j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer.(4)
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Notes
(1) Cf. L'enquête sur la comptabilisation du temps de travail des tuteurs. Tutorales n°10
(2) Cf. Propositions pour l'ingénierie tutorale. Tutorales n°7
(3) Cf. Vidéo "E-formation : tutorat et personnalisation"
(4) Cf. Les billets traitant du tutorat dans les moocs
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