jeudi 30 octobre 2008

L'empathie, une compétence pour le tuteur à distance. Par Jacques Rodet



Si l'on considère le tutorat comme une relation d'aide à l'apprenant à distance, et que l'on convient que le tuteur ne peut manifester son aide qu'à partir du moment où il a une compréhension fine et en profondeur des besoins, des attentes et des ressentis du tutoré, il devient naturel de s'interroger sur une attitude, voire une compétence que le tuteur à distance devrait avoir, j'ai nommé l'empathie.




Définitions


Selon Wikipédia « L'empathie (du grec ancien εν, dans, à l'intérieur et πάθoς, souffrance, ce qu'on éprouve) est une notion complexe désignant le mécanisme par lequel un individu peut comprendre les sentiments et les émotions d'une autre personne voire, dans un sens plus général, ses états mentaux non-émotionnels comme ses croyances (on parle alors plus spécifiquement d'empathie cognitive). Dans l'étude des relations interindividuelles, on distingue l'empathie de la sympathie, de la compassion ou de la contagion émotionnelle. » http://fr.wikipedia.org/wiki/Empathie

Ainsi « Contrairement à ce qu'on croit souvent, l'empathie n'est pas la sympathie et l'on ne doit pas employer un mot pour l'autre. La sympathie est une empathie augmentée qui, comme l'indique l'étymologie grecque, revient à "souffrir avec". Dans ce cas la participation est spontanée, effective et bien sûr affective. Dans l'empathie elle est tout aussi sincère mais plus distanciée et souvent motivée par la volonté de communiquer. » http://blog.legardemots.fr/post/2005/08/07/319-empathie

De même Carl Rogers nous met en garde contre l'identification « L’empathie ou la compréhension empathique consiste en la perception correcte du cadre de référence d’autrui avec les harmoniques subjectives et les valeurs personnelles qui s’y rattachent. Percevoir de manière empathique, c’est percevoir le monde subjectif d’autrui "comme si " on était cette personne – sans toutefois jamais perdre de vue qu’il s’agit d’une situation analogue, "comme si ". La capacité empathique implique donc que, par exemple, on éprouve la peine ou le plaisir d’autrui comme il l’éprouve, et qu’on en perçoive la cause comme il la perçoit (c’est-à-dire qu’on explique ses sentiments ou ses perceptions comme il se les explique), sans jamais oublier qu’il s’agit des expériences et des perceptions de l’autre. Si cette dernière condition est absente, ou cesse de jouer, il ne s’agit plus d’empathie mais d’identification. » (Psychothérapie et relations humaines. (1962) Vol. 1, p. 197)

En formation, Abraham indique que le concept d'empathie nécessite pour l'enseignant de s'investir dans trois attitudes i) la faculté qu'à l'enseignant de comprendre la signification de l'expérience vécue par l'élève [...] davantage, d'exprimer cette compréhension ; ii) le respect manifesté par l'enseignant pour l'élève pris isolément ; iii) l'authenticité du maître dans sa relation aux élèves. (ABRAHAM, A. (1984). L'enseignant est une personne. ESF.)

L'empathie, une compétence pour le tuteur à distance

La compétence est ici définie comme la somme d'un ensemble de savoirs : savoir (connaissances), savoir-faire (maîtrise de techniques) et savoir-être (attitude). Face à un tutoré éprouvant une difficulté dans son parcours d'apprentissage, le tuteur empathique devrait donc mettre en oeuvre ces différents savoirs.

En la matière les connaissances renvoient davantage à celles que le tuteur a pu construire sur le concept d'empathie qu'à celles qu'il possède sur la matière du cours, sur la méthodologie d'apprentissage ou sur les outils du dispositif de formation. Le tuteur sait-il faire la différence entre l'empathie et la sympathie ? Est-il en mesure de distinguer une intervention compassionnelle d'une attitude empathique ? Peut-il ressentir la situation vécue par l'apprenant sans s'identifier à celle-ci ? Garde-t-il à l'esprit que l'expérience vécue par l'apprenant ne peut jamais être identique à celles qu'il a vécu ?

J'ai souvent eu l'occasion d'indiquer que, selon moi, le tuteur, lors de sa formation, devrait être mis en situation d'apprenant à distance afin de pouvoir vivre les difficultés propres à cette modalité de formation. De ce vécu, il peut tirer une plus grande capacité à comprendre les ressentis des apprenants qu'il encadre par la suite. Dans une démarche empathique, il lui faut néanmoins se garder d'assimiler l'expérience d'un de ses tutorés avec les siennes propres lors de sa formation de tuteur. En effet, il ne s'agit pas de se projeter ou d'interpréter, à partir de son vécu, celui du tutoré mais bien plus de témoigner au tutoré qu'il est en capacité d'écouter et d'accueillir son propos.

Le savoir-faire renvoie ici aux techniques propres à l'écoute active que j'ai déjà eu l'occasion d'aborder (cf. L'écoute active, une stratégie au service du tuteur à distance). Il s'agit tout à la fois de manifester son écoute, d'écouter, de reformuler ou de procéder par réverbération et de pratiquer le questionnement ouvert.

Le savoir-être du tuteur empathique est relatif à l'authenticité de sa relation avec le tutoré. Celle-ci doit être caractérisée, d'une part, par le respect du tutoré, ce qui tend à réduire la situation d'inégalité propre à la relation pédagogique, et d'autre part, par la construction d'une relation de confiance qui impose au tuteur de bien distinguer les différents rôles qu'il assume et qui peuvent être en tension. C'est en particulier le cas lorsque le tuteur doit simultanément aider et évaluer le tutoré.

Le tuteur à distance, « compétent en empathie » est donc une personne qui dans sa relation d'aide envers son tutoré est en capacité de mobiliser ces différents savoirs. Il doit néanmoins faire attention à ne pas « jouer au thérapeute » au risque de nuire plutôt que d'aider ses apprenants. Comme toujours, le tuteur doit s'interroger sur le périmètre de ses interventions et ne pas hésiter à diriger, le tutoré qui le nécessite, vers d'autres personnes ressources qui seraient plus qualifiées que lui pour lui apporter aide et soutien sur un plan particulier se situant en dehors des attributions tutorales.

Miroirs ”L’oreille qui voit” par Philippe Starck
Image dans son contexte original, sur la page www.mobilier-design.info/design/philippe-starck/

2 commentaires:

PairsAnciens-PairsNouveaux a dit…

Bravo monsieur Rodet, a mon avis l'emphatie est la premiere qualite necessaire pour etre tuteur. Malheureusement, certains tuteurs croient que la rigueur est de beaucoup plus importante. En formation a distance il faut faire la part des choses.

Jérôme a dit…

Merci pour cet article qui complète les propos plus larges de l'essayiste américain Jeremy Rifkin, pour qui nous entrons dans « une civilisation de l'empathie » : http://bit.ly/lFo9ct