Dans un article récent, Sylvie Ann Hart, chercheuse à l’UQAM, liste huit défis relatifs au développement d’une formation en ligne ou à distance. L’objet de ce billet est d’apporter des compléments à la description de certains de ces défis en prenant en compte la dimension tutorale.
Reconnaître que l’enseignement et l’apprentissage sont des activités distinctes
Il est certain que de nombreux concepteurs, se basant sur leur expérience de formateur présentiel, ou de l’idée qu’ils ont de la formation, ont parfois des difficultés à bien distinguer les activités d’enseignement et celles d’apprentissage, ce qui est essentiel en digital learning. Sylvie Ann Hart en donne une définition simple : « Enseigner consiste à mettre de l’information à la disposition des apprenants. Apprendre consiste à travailler cette information, à l’encoder, à la mettre en lien avec les connaissances que l’on a déjà dans l’espoir d’en fabriquer de nouvelles. » Certains concepteurs favorisent exagérément l’enseignement et négligent de laisser du temps pour l’apprentissage. Réduire l’enseignement pour que les apprenants apprennent mieux et plus est un réflexe à avoir. Pour cela, ils pourraient adopter le schéma suivant : 1/3 du temps pour les activités d’enseignement, 1/3 du temps pour les activités d’apprentissage et les évaluations, 1/3 du temps pour le support à l’apprentissage, les remédiations, la mutualisation, la métacognition.
Un premier niveau de soutien aux apprenants dans les activités d’enseignement est relatif à la clarté et à la précision des ressources et de leurs contenus. Il est recommandé au concepteur de se mettre à la place de l’apprenant lorsqu’il scénarise et produit ces ressources. A noter, que des conseils méthodologiques peuvent également se révéler utiles pour favoriser l’exercice de son autonomie par l’apprenant.
Le second niveau concerne le tuteur qui intervient en remédiation auprès des apprenants pour faciliter leur compréhension du contenu, en particulier en répondant à leurs questions. Pour cela, il utilise fréquemment des forums, des FAQ ou des communications synchrones telles que les classes virtuelles.
Dès lors qu’il y a activité d’apprentissage, il faut penser aux interventions tutorales qui sont susceptibles d’apporter un soutien aux apprenants tant méthodologique que socio-affectif ou motivationnel. Il est également utile de prévoir des interventions tutorales amenant à pratiquer la métacognition afin que les apprenants puissent porter un regard réflexif sur leurs pratiques et en tirer un bénéfice pour leurs prochaines activités en développant leurs habiletés d’apprenant.
- Quelques exemples d’interventions tutorales sur le plan cognitif
- Quelques exemples d’interventions tutorales sur le plan motivationnel
- Quelques exemples d’interventions tutorales sur le plan socio-affectif
- Quelques exemples d’interventions tutorales sur le plan métacognitif
Faire confiance aux apprenants
Du point de vue de l’ingénierie, faire confiance aux apprenants, nécessite de leur offrir des possibilités de choix et de penser la flexibilité de son dispositif. (cf. Actes du colloque « Flexibilité des apprentissages et du tutorat dans la FOAD et la formation hybride » ACFAS 2014. Revue Tutorales, n°13, juin 2014).
La confiance dans la relation tutorale est à construire entre le tuteur à distance et l’apprenant. Si la manifestation à aider l’apprenant est une des obligations professionnelles du tuteur, c’est par les interventions qu’il aura envers l’apprenant qu’il lui montrera qu’il est digne de confiance. C’est parce que l’apprenant aura confiance dans le tuteur qu’il pourra plus facilement oser lui demander le soutien dont il a besoin. Si la confiance s’établit progressivement, elle peut se perdre rapidement dès lors que le contrat moral n’est pas respecté. (cf. Le savoir-être du tuteur à distance)
Tenir compte que l’apprentissage est une tâche complexe
La granularisation, l’interactivité, la ludification sont autant de démarches qui veulent rendre l’apprentissage séduisant et prétendument sans effort. Il semble qu’une confusion persiste dans l’esprit de certains entre d’une part l’engagement de l’apprenant (cf. De l’engagement des apprenants à distance dans la relation tutorale) et d’autre part, la séduction. La séduction ne peut servir de viatique pédagogique. L’individu séduit voit sa capacité de réflexion et de raisonnement affaiblie. Par ailleurs, comme l’écrit Sylvie Ann Hart « Apprendre est exigeant et fatiguant ».
Parce qu’apprendre est une tâche complexe, les apprenants doivent bénéficier du soutien d’un tuteur tant pour persévérer que pour maintenir un haut niveau de motivation. Pour ce faire, il est nécessaire que le tuteur soit disponible, attentif aux signes de démotivation, intervienne de manière proactive et réactive sur les plans cognitif, socio-affectif, motivationnel et métacognitif (cf. Des fonctions et des plans de support à l’apprentissage à investir par les tuteurs à distance). Si certaines interventions tutorales ne sont pas prévisibles d’autres le sont et nécessite d’être penser lors de l’ingénierie tutorale.
Accompagner l’expert de contenu lors de la conception d’une formation
Un expert fait rarement un bon pédagogue et la scénarisation ne peut être que la résultante d’une relation entre l’expert et le concepteur qui doit effectivement accompagner et guider. Sur ce point cf. ce clip « Le concepteur pédagogique et l’expert de contenu »
Lors de la conception, et à plus forte raison lors de la révision des formations, les tuteurs devraient être associés dans la mesure où ils sont les mieux placés pour recueillir les réactions, remarques et critiques des apprenants sur le dispositif (cf. Quel rôle pour les tuteurs dans la conception des digital learning ?)
Faire de l’objectif d’apprentissage la pierre angulaire de tout le processus de formation
Tout devrait commencer par les objectifs mais sont-ils de la seule prérogative des concepteurs ? Pour cibler correctement ceux-ci, une analyse des besoins des publics visés permet, au moins partiellement, de passer d’une démarche d’offre à celle d’une réponse à des demandes. Toutefois, le choix des objectifs académiques, ceux retenus par l’institution qui délivre la formation, recouvrent rarement l’ensemble des objectifs personnels des apprenants.
C’est dans le cadre de la relation tutorale que peuvent être conscientisés et exprimés par les apprenants les ressorts personnels qui les ont amenés à suivre une formation, établis les liens entre le parcours proposé et l’utilisation concrète des connaissances qu’ils auront construites. (cf. Aider les apprenants à déterminer leurs objectifs d'apprentissage).
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