« Les uns comme les autres ne doivent jamais oublier que toute écoute, toute parole, tout silence, tout geste, tout acte, aussi technique qu’il puisse être, doit toujours s’inscrire dans un processus gouverné par le care, l’attention à l’autre, le prendre soin de la personne qui s’est remise entre leurs mains, qui leur a fait confiance au point de s’en remettre à leurs soins. »
Jean-Pierre Lehmann
Lorsqu’un formateur en santé, lui-même issu du monde de la santé, occupe les fonctions de concepteur de formation digitale, puis tuteur digital, se pose inévitablement la question du « Prendre soin ». Le « Take care » qui se distingue sans s'y opposer au « To cure » qui signifie soigner.
Question d’autant plus prégnante que ce tuteur novice, en l’occurrence l’auteur de ce billet, se nourrit des apports du diplôme universitaire COFORDI ainsi que de la pédagogie d’Emmi Pikler, pédiatre hongroise qui, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, a créé un orphelinat à Budapest, haut lieu d'humanité, véritable école de civilisation. Les grands axes de sa pédagogie reposent sur l'observation, la référence, les repères, la recherche de sécurité, l'engagement, la confiance, le « faire avec », la fiabilité.
Qu’en est-il du « prendre soin » des apprenants engagés dans une formation à distance lors du tutorat digital ?
Il n’y a pas de problème à traduire le mot care par l’expression prendre soin, si l’on évite de faire du prendre soin l’exclusivité des soignants. La description du prendre soin par les soignants et sa portée éthique sont très proches des théories et des pratiques du care.
Dans la langue française, le mot soin désigne la préoccupation et le souci pour autrui. Care met l’accent sur l’attention portée à l’Autre et sur l’intérêt porté à cette personne. Il engage notre responsabilité. « Prendre soin » de l'Autre est donc bien une notion particulière et néanmoins indispensable de par l'engagement qu'elle présuppose, la confiance, la rigueur, l'attention à la relation, l'offre d'une grande lisibilité des objectifs à atteindre, conjuguée à une prestation de qualité, comportant une multitude de petits gestes invisibles.
Tous ces aspects du soin se déclinent et se transposent aux missions du tuteur dans un dispositif de formation digitale : l’apprenant, comme la personne soignée étant au cœur du dispositif, centre de tous les regards et attentions.
La dimension humaine, paradigme fondateur de la relation tutorale, qu’elle soit à distance ou en présentiel se révèle non seulement possible, mais surtout essentielle. En écho aux différentes fonctions tutorales décrites par Jacques Rodet (plan cognitif, plan motivationnel, plan socio-affectif et plan métacognitif), prendre soin d’un groupe d’apprenants constitue le savoir-être du tuteur à distance.
Les soignants ont bien acquis l’expérience qu’il ne suffit pas d’être là passivement. Il faut également savoir – d’un savoir puisé à l’intérieur de soi – aller à la rencontre de l’Autre, de telle sorte que se réalise réellement une rencontre entre deux personnes.
Le champ d'investigation est large, le tutorat digital en santé (et sans nul doute, dans toutes les disciplines) trouve sa cohérence dans cette nécessité à transmettre, transmettre des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être dans les actes du « prendre soin » à l'aide d'outils de formation permettant de multiples expressions.
Sur ce volet infini de l’accompagnement, s’il y a bien une dimension du « prendre soin », transposable sans ambiguïté au tutorat digital, il est ici : être distinct, sans être distant.
Elsa Steil, formatrice santé FOAD
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