mercredi 30 avril 2008

A propos de la veille sur le tutorat à distance

Voilà trois mois que nous avons lancé un outil simple de veille collaborative. Utilisant le service Delicious, les résultats de cette veille sont accessibles à travers le widget, développé par P. Inowlocki, "La veille des tuteurs de la e-formation" qui peut être facilement installé sur une page Internet.

Ce ne sont pas moins de 250 billets, c'est-à-dire environ 3 par jour, qui ont été publiés, dans l'espace de veille, par plusieurs personnes, dont quelques grands pourvoyeurs (Jadlat, Ki_learning et Jrodet). Nous rappelons que chacun d'entre vous peut, sans modifier ses habitudes de lecture participer à cette veille (savoir comment).

Parmi les dernières informations recensées dans l'espace de veille :

lundi 28 avril 2008

Retour sur le sondage "Combien d'apprenants tutorez-vous en une année ?"

15 personnes ont répondu à la question "Combien d'apprenants tutorez-vous en une année ?". Les réponses ont été les suivantes :
  • de 1 à 10 : 3 répondants, soit 20%
  • de 11 à 30 : 2 répondants, soit 13%
  • de 31 à 50 : 4 répondants, soit 26%
  • de 51 à 100 : 1 répondant, soit 6%
  • de 101 à 200 : 1 répondant, soit 6%
  • plus de 200 : 4 répondants, soit 26%
La première remarque qui me vient est que les tuteurs encadrent beaucoup d'apprenants. Si l'on prend le chiffre minimal d'apprenants par répondant, le total s'élève à 1100 apprenants pour 15 tuteurs.

Il est remarquable qu'un quart des répondants encadre de très nombreux apprenants (plus de 200). Ces résultats semblent dessiner deux types de tuteurs. Ceux qui sont en relation avec de très nombreux apprenants et ceux qui encadrent des apprenants dont les effectifs sont proches ou identiques à ceux d'une classe en présentiel (39% des répondants interviennent auprès d'un nombre de tutorés variant entre 10 et 50).

Ces deux types de tuteurs ont-ils les mêmes pratiques d'intervention auprès des tutorés ? Dans quelle mesure le nombre de tutorés influe sur les différentes formes de support à l'apprentissage ? Plus prosaïquement, les tuteurs sont souvent rémunérés selon un forfait calculé en fonction du nombre d'apprenants qu'ils encadrent. Ceci est-il sans effet sur leurs prestations ? Le support sur le plan socio-affectif, par exemple, qui nécessite, parfois, de la part du tuteur, un investissement personnel qui va au-delà de la seule prestation professionnelle, est-il aussi aisé à mettre en oeuvre lorsque l'on à 10 ou 200 tutorés ? Y-aurait-il un nombre "idéal" d'apprenants à encadrer pour un tuteur ?

Autant de questions et bien d'autres encore qui n'attendent que vos réponses en commentaire de ce billet.

Image dans son contexte original, sur la page www.avenuedesjeux.com/catalogue/37_chiffres_e...


mercredi 23 avril 2008

Paroles de tutrice : Sylvie Dalbin

Nous poursuivons la série "Paroles de tuteur" qui réunit des entretiens avec des tuteurs témoignant de leurs pratiques. Après Michel Richer il y a une quinzaine de jours, c'est Sylvie Dalbin qui a accepté de répondre aux questions de Jacques Rodet.

Si vous êtes intéressés par cette formule pour mutualiser vos pratiques, n'hésitez pas à écrire à tad2007@free.fr


Sylvie Dalbin est documentaliste scientifique (maîtrise de chimie, INTD/Cnam) entre 1984 et 1989, puis consultante en organisation et ingeniérie documentaires depuis 1989 au sein d'Assistance & Techniques Documentaires.

Dès 1986 alors documentaliste à EDF, Sylvie travaille sur les questions d’indexation automatique et de recherche sur les contenus. Ses interventions dans les entreprises et les organisations portent aujourd’hui plus spécifiquement sur l’évaluation, les méthodes et les outils d’accès à l’information, incluant le management des référentiels de métadonnées et vocabulaires contrôlés.

Ces interventions conduisent à des missions dans le domaine des métiers et du développement des compétences des professionnels et des utilisateurs, en particulier sous la forme de conception d'action de formation et de tutorat à distance.





Jacques Rodet : Bonjour Sylvie. Je suis très heureux d'interviewer une des plus anciennes participantes de t@d. Pour mémoire, je rappelle que tu as été co-auteur de la grille d'évaluation des conditions de travail des tuteurs à distance et que tu m'as également accompagné dans la réflexion sur les services documentaires que pouvaient offrir t@d.

Dans un premier temps, peux-tu présenter le contexte professionnel dans lequel tu exerces comme tutrice ?

Sylvie Dalbin : Bonjour Jacques, et merci de ton accueil. Avant tout, je voudrais préciser que 80% de mon temps de travail est centré sur une activité de … conseil dans le secteur documentaire, et donc les activités de formation, récurrentes depuis 20 ne sont pas centrales dans mes charges de travail. Je reviens au contexte de tutrice. Il s’agit du domaine de la formation professionnelle continue pour les documentalistes des organisations ou des entreprises. Les mutations en cours liées à l’arrivée de l’internet et au passage à la société de l’information, sont évidemment nombreuses et variées. Elles touchent en définitive tous les métiers, mais en raison du poids nouveau porté à l’information, elles impactent particulièrement les professionnels de l’information-documentation et donc ce secteur. Evidemment le développement professionnel tient une place centrale ou au moins le devrait. J’ouvre d’ailleurs une parenthèse pour dire que c’est un des rares secteurs qui s’est doté à la fois d’un système de certification des personnes et d’un référentiel des compétences et des aptitudes au niveau européen et depuis plusieurs années pas mal d’années1. Dans ce secteur, la formation est structurée autour de formations initiales et pour les praticiens de formations continues mais de courtes durées de type stages de 1 à 3 jours. Contrairement aux pays du Nord de l’Europe ou anglo-saxons, les Universités ou les écoles spécialisées développent beaucoup plus rarement des modules sur des sujets métiers précis et d’une ampleur significative, et selon des modalités qui conviendraient à ces praticiens qui ont déjà des compétences dans ces domaines. Par ampleur significative, je veux dire des modules de plus de 100 heures pour leur permettre de réévaluer leurs compétences, d’approfondir des problématiques actuelles et de faire évoluer leurs pratiques. C’est dans ce cadre-là que, en parallèle ou à la place de ce qui existe, l’idée des formations à distance pour ce public s’est développée.



J.R. : Quelles sont les raisons, les nécessités, les conditions qui t'ont amené à avoir des fonctions tutorales ?

S.D. : Pour atteindre le plus grand nombre, si la formation à distance semble une bonne idée, cela ne suffit pas. L’étude du terrain au cours de mes activités de conseil, les retours d’expérience des uns et des autres, mais aussi mon propre parcours personnel m’ont permis d’affiner un argumentaire sur l’intérêt et les limites de ce type de formation pour ces publics, et sur la nécessité d’organiser un accompagnement de type tutorat. J’ai eu la chance de pouvoir proposer en 2002 pour un stage de 2 jours dans le cadre d’une offre de l’association professionnelle du secteur, l’ADBS, une « poursuite » à un présentiel avec des travaux à distance tutorés, les personnes retournant dans leur environnement de travail. C’est une très bonne formule, et la réussite de celle-ci nous a permis de l’envisager avec ce même public pour un autre projet d’une envergure plus large2, puisqu’il s’agit aujourd’hui d’une formation de 100 heures (équivalent 100 heures en présentiel) sur 6 mois. Les apprenants, ayant des horaires et des contraintes individuelles très fortes, nous avons envisagé un suivi continu plutôt à la carte composé de 3 points de rencontre téléphonique qui s’ajoutent aux échanges via le forum et un jour en présentiel… en fait ce présentiel, pour moi, constitue plutôt un frein au développement de cette formule auprès des publics visés, mais bon ceci est une autre question.
Pour les deux premières sessions (nous venons d’initier une 3e session fin mars), nous avons évalué en moyenne à un jour sur ces 15 jours équivalent présentiel pour le tutorat incluant toutes les actions que je viens de préciser. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Je suis sûre qu’avec une plateforme adaptée, un travail plus affiné sur les ressources, des outils d’autoévaluation, ce chiffre pourrait être réduit… Je précise cela pour des commanditaires qui pourraient nous écouter…




J.R. : Selon toi, qu'est-ce qui fonde l'identité professionnelle du tuteur ?

S.D. : Peut-être y a-t-il un biais dans la situation que j’évoque, car je suis tutrice mais j’ai été fortement impliquée dans la conception de cette formation et dans la production des ressources pédagogiques. En tant que tutrice, je suis surtout méthodologue, animatrice mais aussi pair lorsque les apprenants évoquent des situations professionnelles vécues et que nous échangeons là-dessus. Les moments de « formatrice » sont en définitive plus rares et se limitent à des reformulations, essentiellement des reformulations, nous sommes l’écho. Je veux dire, que contrairement à ce que certains pensent, ce n’est pas parce que les deux tutrices sont spécialistes des domaines abordés dans cette formation, qu’elles peuvent en assurer cette fonction. Je persiste à dire que les formations évidemment devraient être montées par des collectifs de spécialistes, didacticiens et formateurs, mais qu’après, l’accompagnement individuel ou en petits groupes peut très bien être porté par des tuteurs dont la fonction d’accompagnement serait valorisée.




J.R. : J'aimerais maintenant t'interroger plus directement sur tes pratiques. Es-tu plutôt proactive, réactive, les deux ? Préfères-tu les outils de communication synchrones, asynchrones ? Comment, à partir de quels outils, exerces-tu le suivi de tes apprenants ?

S.D. : Je dirais que je suis plutôt proactive – tout en étant attentive au mode de fonctionnement de chacun. Je regarde périodiquement le délai qui se passe entre nos contacts et ceci quel que soit le type de contact (individuel/collectif, asynchrone/synchrone). Je « relance » soit par l’envoi d’un message, par exemple les fêtes rythment le cours de l’année, ou alors le plus souvent en rebondissant sur une question posée… Ce qui donnerait plutôt l’impression que je suis réactive…Cela veut bien dire un peu des deux. Je dirais que l’organisation des travaux à rendre constitue un autre moyen pour nous de suivre les éventuels décrochages ou problèmes individuels. Les outils sont simples : forum et échanges de documents, tableur pour recenser les échanges. Je viens d’installer un chat, mais les horaires de travail sont trop disparates et le groupe d’apprenants trop petit pour le moment pour que cela ait un sens.



J.R. : Le support des apprenants sur le plan motivationnel est une des raisons d'être du tutorat. Comment procèdes-tu vis-à-vis d'un apprenant démotivé ? As-tu un cas particulier en mémoire ?

S.D. : J’avoue que ce cas ne m’apparaît pas vraiment. Les professionnels dans notre secteur sont des publics volontaires, ils « en veulent ». Ce ne serait donc pas une démotivation sur le sujet de la formation, ce qui peut être le cas dans d’autres environnements. S’ils sont démotivés, ce serait face à l’ampleur de la tâche et à l’organisation dans leur temp, ce qui est très classique en formation à distance. Nous avons eu un départ de cette nature, mais c’était une personne qui travaillait dans un autre domaine que celui concerné par la formation, et qui voulait en fait réinvestir ce secteur après l’avoir quitté depuis longtemps. Là, cela veut clairement dire que la formation vise les praticiens et malheureusement, nous n’avons pu rien faire sur ce plan-là. Parfois, peuvent surgir des problèmes plus personnels ou familiaux - on participe aux exploits des enfants, aux arrivées de petits-enfants et aux déménagements !. Ce qui, je dirais peu générer des conflits… On sent venir ces décrochages. Dans ces cas-là, je suggère des échanges plus soutenus, une relecture plus personnelle des exercices, éventuellement un appel téléphonique complémentaire, qui est toujours succinct d’ailleurs. C’est plutôt cette attention, cette empathie, et pas tant le temps passé, qui marque. Et dans deux cas auxquels je pense, j’ai dû passer 30 mn sur un mois pour redonner le punch aux apprenants, et leur redonner la forme pour poursuivre leurs travaux.




J.R. : Comme d'autres, je fais un lien fort entre le développement de l'autonomie de l'apprenant et sa capacité à avoir une posture métacognitive. Est-ce que tu fais également ce lien ? Si oui, comment cela se concrétise dans ta pratique ? Proposes-tu des activités métacognitives à tes tutorés ?

S.D. : Si la volonté et l’organisation de cette formation privilégient l’autonomie et un appui au développement de cette autonomie, c’est vrai que les outils par exemple d’autoévaluation sont encore trop faibles, si ce n’est inexistant. Il est vrai aussi que nous avions tablé dès le départ sur une aptitude des professionnels visés qui, étant majoritairement dans de très petites équipes voire tout(e) seul(e) et isolés professionnellement au sein de leur organisation, sont en règle générale des personnes autonomes et ont une pratique certaine pour organiser eux-mêmes leurs activités. Mais justement on pourrait peut-être penser qu’en situation de formation, ils aimeraient se laisser plus volontiers guider, et puis peut-être que justement ces activités méta-cognitives sont plus difficiles à formuler et à organiser. L’étude de cas qui fait le tour des sujets de formation rythme le parcours, mais pour le reste, les apprenants ont une totale liberté et nous n’imposons pas d’ordre au rendu des exercices. Du coup cela peut complexifier leur vision de leur apprentissage, leur donner une impression d’émiettement et rendre encore plus urgent un outillage pour accompagner ce travail sur la cible. Nous sommes parties du principe que leurs compétences actuelles et les sujets d’intérêt liés à leur contexte constituaient de bons guides. Nous proposons simplement une représentation schématique de la formation qui sert de référent et de cible et une liste tout simplement sous Excel des sujets d’apprentissage qu’ils peuvent utiliser au fil du temps pour apprécier leur avancée. Mais cela reste tout à fait artisanal et des progrès énormes sont à faire. Je rêve d’ailleurs dans ce contexte de pouvoir proposer un portfolio électronique personnel…




J.R. : Utilises-tu les traces laissées par les apprenants sur les plate-formes de e-learning ? Si oui, quelles sont celles qui te sont le plus utiles ? Utiles à quoi ?

S.D. : Je dirais oui, j’utilise des traces, toutes les traces. Mais en fait j’utilise aussi les non-traces ! parce que l’absence de trace est tout aussi importante que leur présence. Mais la formation à laquelle je fais référence, et la plateforme associée ne laisse pas beaucoup de traces en dehors du dépôt des travaux et des messages sur le forum. Par contre, les travaux proposés qui supposent une activité importante mais externe à la plateforme et les résultats de ces travaux nous permettent de mieux apprécier la situation. Somme toute des traces très indirects et très classiques.




J.R. : Quelles ont été les principales difficultés que tu as rencontrées dans ta pratique tutorale et comment les as-tu surmontées ?

S.D. : Je ne rentrerai pas dans les détails ici, mais je trouve que la plateforme que nous avons, robuste certes mais rustre sur le plan fonctionnel, ne favorise pas les relations entre apprenants et entre apprenants et tuteurs, elle ne favorise pas la dynamique et les échanges. Pour faire bref, l’image que j’ai de cette plateforme est une salle de classe bien fermée, sans armoire où ranger nos documents ce qui pour des documentalistes constitue vraiment un frein, et je dirais même sans fenêtre ! J’ai tout dit. Etant formatrice aussi dans le domaine du travail de groupe, je suis un peu consternée par cette situation d’où les modalités complémentaires d’échanges qui ont été proposées. Pour le reste, pas de problèmes particuliers si ce n’est un outillage trop artisanal et puis à ce jour rien à l’horizon pour améliorer la situation faute d’investissement.




J.R. : Pour finir cet entretien, peux-tu nous dire quelles sont les raisons qui te font poursuivre cette activité de tutrice ?

S.D. : A chaque évaluation le retour des stagiaires me conforte dans l’idée que c’est une voix riche et tout à fait adaptée au public visé, public qui a des besoins intenses de formation et en même temps des contraintes très fortes. Et dans ce cadre là, de contraintes, le tuteur avec son rôle d’accompagnement, d’appui, je dirais peut être de conseil mais pas forcément, me convient tout à fait ; les évaluations me redonnent à chaque fois, le dynamisme pour poursuivre dans cette voix.

Merci !

J.R. : Merci à toi Sylvie, pour cet entretien qui constitue selon moi un bon exemple d'activité de mutualisation et qui je l'espère donnera envie à d'autres tuteurs de partager prochainement leurs expériences tutorales.

lundi 21 avril 2008

Formation au tutorat au sein du Master "Ingénierie pédagogique du e-learning" de Rennes 1. Par Jacques Rodet

Certains d'entre vous ont certainement pris connaissance de l'ouverture des inscriptions, pour l'année 2008-2009, au Master Professionnel à distance, Ingénierie pédagogique du e-learning de Rennes 1 dont Thot s'est fait l'écho.

Dès le lancement de cette formation, Patrice Mouton, son initiateur, avait reçu positivement la suggestion que je lui avais faite d'introduire un module entièrement dédié à la conception des interventions tutorales et plus largement au support à l'apprentissage.

C'est ainsi que depuis deux ans, j'ai le plaisir d'animer au sein de ce Master, le cours intitulé Ingénierie et stratégies de support à l'apprentissage d'une durée de 20 heures, dont les objectifs, outre de permettre aux futurs chefs de projets e-learning de mieux connaître le tutorat, sont de les amener à penser, très tôt dans leur processus de conception, la planification des médiations humaines à distance, à être en mesure de quantifier celles-ci, d'imaginer des compromis viables entre les exigences pédagogiques, économiques et techniques des systèmes de support à l'apprentissage qu'ils conçoivent.

J'ai eu l'occasion de m'exprimer sur l'importance que revêt l'ingénierie tutorale dans la réussite d'un projet de FOAD et sur la place qu'elle doit avoir tout au long du processus de conception du dispositif (par exemple : Tutorat à distance, une fonction essentielle). C'est pourquoi, je trouve particulièrement utile que les chefs de projet e-learning soient formés sur ces questions, comme c'est le cas dans le Master proposé par Rennes 1.


vendredi 18 avril 2008

Petit retour d'expérience sur l'utilisation du chat en situation tutorale. Par Jacques Rodet

Le chat est désormais un outil courant des dispositifs de formation. Il vient souvent en complément d'autres outils de communication, soit à côté d'eux, soit conjointement comme dans le cas des classes virtuelles.

Le tuteur à distance est bien évidemment amené à utiliser ce média et à fréquemment occuper le rôle d'animateur de séances de chat. Blandin dans son article « La relation pédagogique à distance : que nous apprend Goffman ? » évoque ainsi le rôle de l'animateur de chat « si des compétences particulières sont nécessaires sur le chat, il me semble donc que ce serait plutôt dans le domaine de la négociation des règles, pour les animateurs ; et dans celui des moyens de faire valoir son droit en finesse, pour les participants, lorsqu'il n'y a pas d'animateur pour distribuer la parole. »

Par ailleurs, Pascale Noet-Morand (Le « chat » favorise-t-il le développement de stratégies conversationnelles utiles à l’apprentissage d’une langue étrangère ?) estime qu'une compétence nécessaire pour animer un chat est de savoir gérer les tours de parole. De mon côté, j'ai proposé une modélisation descriptive d'une situation d'usage pédagogique du chat en 11 étapes et 5 stratégies d'écriture (Le clavardage (chat), média de support à l’apprentissage ?).

Lors d'une récente formation de formateurs présentiels aux fonctions tutorales à distance, d'une durée de cinq semaines, j'ai eu l'occasion de recourir régulièrement au chat pour effectuer des interventions tutorales. En effet, cette formation était bimodale et les séquences à distance représentaient 40% de la durée totale. Durant celles-ci les participants pouvaient communiquer avec moi, leur tuteur, de différentes manières (entretien téléphonique individuel, mail, liste de diffusion, forum et chat). Les séances de chat ont servi de support à de courtes activités d'enseignement, à d'autres, plus longues, pour favoriser l'émergence des connaissances préalables des apprenants mais également à des activités de remédiation par rapport aux ressources en ligne et de rétroaction aux travaux réalisés.

Durant ces séances, quelques règles, au préalable présentées et négociées par voie de forum, ont été suivies. Les trois modes d'organisation de la communication qui ont été adoptés étaient les suivants :

L'Amphi
C'est l'animateur qui seul a la parole. L'Amphi est adapté pour les situations d'enseignement basé sur l'exposé ou pour transmettre des informations factuelles et organisationnelles.

L'Hémicycle
L'animateur distribue la parole qui lui est rendue par l'émission d'un code en fin d'émission. L'hémicycle est utile dans différentes situations de la relation pédagogique et correspond au tour de table. Une variante peut être aménagée par l'autorisation de la demande de parole par un participant qu'il indique par l'émission d'un code convenu à l'avance.

L'Agora
Chaque participant peut prendre la parole au moment où il le souhaite. L'Agora est la situation classique du chat où plusieurs fils de discussions peuvent être poursuivis parallèlement. L'Agora est particulièrement adaptée pour des séances de brainstorming et plus généralement pour les échanges où la spontanéité de la prise de parole est recherchée.

C'est l'animateur qui, de manière classique, choisit de passer d'un mode à l'autre. De manière moins directive, il est également possible, au moment de la négociation de l'ordre du jour du chat, d'affecter un mode de communication à chacun des sujets abordés. Enfin, les participants peuvent demander, en cours d'échanges, à passer d'un mode à un autre par la publication d'un code convenu à l'avance.

Une fois l'habitude prise du respect de ces quelques consignes, il a été constaté par l'ensemble des participants, une franche amélioration de la clarté, de l'intérêt et au final de la productivité des échanges réalisés par rapport aux séances où ces règles n'étaient pas en vigueur.

Image dans son contexte original, sur la page www.techno-science.net/?onglet=news&news=1557


mercredi 16 avril 2008

Entretien avec Ginette Provost Flatow, créatrice du blog PairsAnciens-PairsNouveaux

Jacques Rodet : Vous avez ouvert il y a quelques mois, un blog dont le nom Pairsanciens-Pairsnouveaux est explicite pour les familiers de la Téluq, mais peut-être moins pour les autres. Pouvez-vous précisez ces dénominations ?

Ginette Provost Flatow : Tout d’abord M. Rodet, un pair ancien est un étudiant en « formation à distance » , ayant cumulé au moins 12 crédits universitaires et qui désire être bénévole. C’est-à-dire être disponible en mode synchrone ou asynchrone, pour accompagner, renseigner et guider le nouvel étudiant qui en fait la demande selon ses besoins. Le pair nouveau quant à lui est également un étudiant en FAD, nouvellement inscrit, et celui-ci fait une demande auprès de l’encadrement programme pour être jumelé à un pair ancien.

JR : Cette forme de tutorat que constitue l’encadrement par les pairs est donc au cœur de votre projet. Avant de nous en parler plus avant, j’ai envie de savoir ce qui vous a poussé a vous intéresser au tutorat en général et à cette forme d’accompagnement de vos pairs.

GPF : Lorsque j’ai débuté et accumulé (12 crédits) au sein de ma maîtrise, je ne croyais pas que j’avais l’expertise nécessaire pour être « pair ancien ». Puis suite à l’avancement de mes études, j’ai rencontré certaines difficultés comme tous les étudiants et j’ai cru que partager mes stratégies pourrait être utile pour de nouveaux étudiants. C’est à ce moment que j’ai accepté l’invitation de la Téluq pour devenir pair ancien. Lorsque j’ai suivi la formation obligatoire pour devenir pair ancien, et suite à plusieurs jumelages, j’ai finalement compris que la base et le succès de tout pair ancien qui désire accompagner un pair nouveau est tout d’abord « l’empathie ».

JR : Et l’empathie pour vous, ca veut dire quoi ?

GPF : C’est la capacité de comprendre, la capacité de ressentir les émotions de quelqu’un d’autre. (ce qui inclut l’angoisse) Selon Carl Rogers, l’empathie consiste à saisir avec autant d’exactitude que possible, les références internes et les composantes émotionnelles d’une autre personne et a les comprendre comme si l’on était cette autre personne. Pour moi c’est être disponible au pair nouveau…C’est me rappeler que je suis une étudiante universitaire qui a un cœur !

JR : Comment situez-vous le pair ancien par rapport au tuteur ? Quelles sont leurs différences ? Ont-ils selon vous des champs de compétences distincts ?

GPF : Voici une excellente question, cependant je répondrai d’après mon expérience personnelle et non pas suite à des recherches approfondies sur le sujet. Le pair ancien est une oreille attentive, une personne disponible qui partage une expérience semblable avec le pair nouveau ayant tout simplement une longueur d’avance en tant qu’étudiant à distance. Le pair ancien n’est pas réellement un tuteur, bien qu’il arrive que les pairs nouveaux désirent nous faire jouer ce rôle. Mais j’ai parfois joué ce rôle malgré moi suite à l’insistance du pair nouveau. Des pairs nouveaux m’ont demandé de commenter des travaux avant la rétroaction de l’auxiliaire d’enseignement et ce fut une surprise.

A mon avis la fonction de pair ancien au sein de l’encadrement programme à l’université du Québec, spécialement en formation à distance est nécessaire pour le moment.

Le tuteur quant à lui, a le fardeau et la responsabilité d’une charge. Bien que chaque tuteur ait son style personnel, il m’est arrivé de percevoir une tension chez certains tuteurs, car il faut comprendre qu’ils ont de nombreuses responsabilités. Certains ont une aptitude naturelle à l’empathie, pour d’autres ce n’est pas simple. Mais il faut ici faire une parenthèse, la communication à distance est extrêmement différente, parfois difficile et spécifique. Par exemple, lors de téléconférence (conférence téléphonique), lorsque l’on ne voit pas les expressions du visage, il est difficile de créer des liens et surtout des liens de confiance. Le pair ancien lui a l’avantage d’être neutre et ne transmet pas cette tension aux pairs nouveaux, car il n’est pas une figure d’autorité.

JR : Il y a quelques années, je m’étais intéressé a l’éventuelle concurrence entre les pairs anciens et les tuteurs (auxiliaires d’enseignement) de la Téluq. J’en étais arrivé a la conclusion que les différents acteurs ne se concevaient pas comme des concurrents alors même que leurs champs d’intervention se recoupaient. A votre avis le pair ancien est-il concurrent du tuteur ?

GPF : Baudrit (2007) parle également de « moniteur » qui d’après lui est un sous maître, les tuteurs ont au contraire un rôle d’assistant ou d’auxiliaire (p.48). Si je me réfère à son livre « Le tutorat, richesse d’une méthode pédagogique », les nouveaux étudiants en formation à distance nécessitent une attention particulière, car au début ils décrochent ou abandonnent (p.6).

D’après moi, le projet « pair ancien » de l’université du Québec, pour le moment, semble faire de la recherche action pour éviter cet état de chose, c’est-à-dire l’abandon, je suppose que beaucoup de résultats concernant cette expérience sont encore à compiler.

Le pair ancien est-il concurrent du tuteur ? Ma réponse serait, quel niveau d’expertise possède le pair ancien ?.... En quoi son expertise peut-elle se comparer à celle de l’auxiliaire d’enseignement ?...

Plusieurs pairs anciens ont énormément d’expérience sur le marché du travail, ont déjà été enseignants et ont même réalisé des études. Cependant, d’autres pairs anciens, je suppose, ont beaucoup moins d’expérience.

Bref à mon avis, le tuteur est l’expert, le pair ancien est l’expert en devenir, ayant comme avantage de ne pas avoir attaché à son image la notion d’autorité.

JR : Selon vous, quels sont les facteurs qui peuvent aboutir à ce qu’un apprenant se dirige plus volontiers vers un pair ancien plutôt que vers son tuteur ?

GPF : Selon moi, un apprenant se dirige plus volontiers vers un pair ancien en formation à distance, car il a l’avantage d’établir une relation avec un pair comme celles que l’on retrouve sur un campus réel. Voilà pourquoi je crois que les commentaires ou observations sur les travaux des étudiants, devraient être encouragés, lorsque le pair nouveau en exprime le souhait.

Un professeur m’a déjà corrigé à ce sujet en soulignant que je tentais de jouer le rôle du professeur… Pas du tout, j’assumais mon rôle de pair ancien !

J’échangeais avec un nouvel étudiant qui me demandais mon opinion sur son travail… et je répondais comme un étudiant sur campus qui répondrait, « ton travail, pas mal du tout, tu es sur la bonne voie ». Il ne faut pas oublier que nous sommes en formation à distance, chaque détail compte et ici je reviens à l’empathie.

JR : Votre blog se présente comme un lieu de ressources pour les pairs nouveaux. Ainsi vous traitez de différentes questions que se pose inévitablement un nouvel apprenant de la Téluq. Je crois savoir que vous souhaitez également faire de votre blog, un lieu de publication de travaux d’étudiants. Comment envisagez-vous ce travail d’éditeur ? Quelles sont les modalités pratiques de ce projet ?

GPF : Ce blog est un exercice dans le cadre d’un travail universitaire « Technologies et apprentissage à distance » , donc l’étudiant a toute latitude, après avoir soumis la partie première du cours, de continuer son projet qui dans mon cas était un « blog ». Effectivement ce « blog » se veut une boîte à outils pour nouveau pair, bien qu’il soit possible que le pair ancien y retrouve également certains documents intéressants.

La publication de travaux d’étudiants, n’était pas et n’est toujours pas le but premier de ce blog. Le blog « Pairsanciens-pairsnouveaux » ne désirait que fournir certains exemples de travaux universitaires pour les pairs nouveaux qui n’avait pas eu l’opportunité d’en feuilleter. Ce concept existe déjà, avec http://www.aeteluq.org

Tout les documents qui figurent sur mon blog sont déjà sur le web et j’utilise des liens profonds, aucun document qui est sur mon blog est une exclusivité et l’on sait qu’aussitôt qu’un document est publié sur le web, l’auteur conserve ses droits. (ou à tout le moins ceci peut servir de preuve si jamais il y a litige).

Quoi qu’il en soit tout les droits d’auteur sont protégés par la licence « creative Commons ». Par exemple, vous M. Rodet, si vous désirez spécifier des points précis concernant la publication de certains de vos travaux avec « Pairsanciens-Pairsnouveaux », nous nous entendons ensemble, sinon c’est la licence « Creatice Commons » qui s’applique.

Merci monsieur Rodet pour cet interview


JR : C'est moi qui vous remercie pour avoir pris le temps de répondre à ces questions

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Ginette Provost Flatow est étudiante en maitrise du programme Formation à distance de la Téluq. Elle réside à New-York et depuis trois ans est investie dans l'encadrement par les pairs qui "se définit comme une activité de collaboration entre deux étudiants en vue de soutenir et de faciliter, chez chacun, le processus de construction des connaissances dans un contexte d’apprentissage à distance au deuxième cycle" (Deschênes).

Elle anime le blog Pairs-Anciens-PairsNouveaux qui se veut une sorte de boite a outils pour les Pairs nouveaux.
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lundi 14 avril 2008

Retour sur le sondage "Les formations sur lesquelles vous êtes tuteur(rice) sont offertes..."

Le sondage "les formations sur lesquelles vous êtes tuteur(trice) sont offertes par une institution de formation du pays où vous résidez ou par une institution de formation d'un pays différent de celui où vous résidez" a recueilli les réponses de 12 participants.

Le constat est sans appel. Les tuteurs résident à plus de 90% (11 répondants sur 12) dans le même pays que l'institution de formation qui les emploie. Il semblerait donc que les organismes de formation à distance, ne se soient pas encore affranchis de toute les distances, du moins de la distance nationale, voire culturelle, en ce qui concerne le recrutement de leurs tuteurs*.

Plusieurs raisons sont susceptibles d'être à l'origine de cette situation. Tout d'abord, les tuteurs, à côté de leurs interventions à distance, peuvent avoir des rencontres présentielles avec les apprenants. Leur proximité géographique du lieu de ces rencontres est donc un avantage au moment de leur recrutement. Il est possible également que l'employeur recherche une proximité culturelle, dont la nationalité commune serait l'expression, entre ses salariés et ses apprenants. En effet, pour beaucoup de formations à distance, les apprenants sont très majoritairement des nationaux. De plus, l'embauche des tuteurs reste souvent effectuée selon des modalités habituelles où l'entretien présentiel est décisif et donc difficile à organiser entre un candidat européen et un employeur canadien par exemple. D'autres raisons liées aux règlements nationaux concernant l'embauche d'étrangers peuvent également constituer des freins à une plus grande diversité de nationalités des tuteurs au sein d'un dispositif.

Si toutes ces raisons peuvent peser, il n'en reste pas moins curieux qu'un secteur d'activité qui a l'ambition de surmonter les frontières, ainsi que bien d'autres dimensions de la distance, reste aussi frileux, ou classique, en matière de recrutement.

L'internationalisation du marché du travail des tuteurs nécessiterait d'une part, la mise en place d'un espace international d'offres d'emplois spécifique aux tuteurs ou à défaut, l'utilisation de ceux, plus généralistes, qui existent, et d'autre part, le recours aux technologies lors du processus de recrutement (audioconférence, visioconférence, monde virtuel**). Il nécessiterait une démarche volontaire des institutions qui n'émergera néanmoins que si celles-ci trouvent un intérêt à cette diversification des origines nationales de leurs tuteurs. Il est raisonnable de penser que cela interviendra de manière concomitante avec le développement du recrutement d'apprenants résidant eux-aussi à l'étranger.

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* Si il est possible qu'un étranger résidant dans un pays soit employé par une institution de ce même pays, nous faisons l'hypothèse pour la suite de cet article que les résidants sont dans leur très grande majorité des nationaux.
** Une des agences d'étudiants que j'encadre actuellement est entrain de concevoir une formation à distance pour des professionnels du recrutement dont le sujet est "le recrutement sur SecondLife".

Image dans son contexte original, sur la page recruteuretcandidat.blog.rhonealpesjob.com/in...


vendredi 11 avril 2008

Les compétences des tuteurs et des apprenants à distance selon Faouzia Messaoudi


article en synthèse vocale par YakiToMe!


Dans son article
Tutorat et gestion de changement : deux leviers pour réussir la formation à distance au Maroc (Cas du Master ITEF) Faouzia Messaoudi propose deux figures pour spécifier les compétences des tuteurs et des apprenants à distance. Nous les reproduisons ci-dessous.


Compétences requises chez le tuteur en ligne

Compétences requises chez l'étudiant en formation à distance
Cette typologie est dans la lignée des propositions des auteurs dont Faouzia Messaoudi s'inspire (Karsenti, Gagné, Jacquinot, Patoine, Pettigrew) et avec celles formulées par d'autres auteurs (Denis, Deschênes, Laurent, Shlienger, Rodet). Certains intitulés choisis questionnent néanmoins.

« L'évaluation impartiale » renvoie-t-elle à la recherche impossible de l'objectivité* ou au contraire renvoie-t-elle à une démarche où prévaut le souci de la légitimité de l'évaluation et du caractère juste (négocié ?) du jugement porté ?** « Management relationnel et communication » signifie-t-il que la relation doive être managée, c'est-à-dire, organisée, planifiée, par le tuteur ou au contraire faut-il entendre que le tuteur doit être en mesure d'identifier les ressorts et la qualité de la communication qu'il entretient avec un apprenant ? Par ailleurs, il semble difficile de considérer la « motivation extrinsèque » comme une compétence requise de l'étudiant. En l'occurrence, la compétence renverrait à la capacité de l'apprenant à développer une certaine résistance, ou simplement à relativiser l'influence du bâton et de la carotte que constitue la motivation extrinsèque, et il est vrai que certaines carottes sont appétissantes et que certains bâtons sont bien dissuasifs. De la même manière « l'attrait pour le contenu » n'est pas tant une compétence qu'une prédisposition qui peut difficilement être « requise ». Derrière la « Culture propre à la FOAD » faut-il entendre d'autres compétences non spécifiées comme celle à gérer son parcours d'apprentissage ou celle à développer son autonomie ?

Ces quelques réserves sur certaines dénominations de compétences ne doivent pas faire hésiter à lire cet article qui s'attache à présenter le tutorat comme un levier important de réussite d'un dispositif hybride au Maroc, passage considéré obligé par Faouzia Messaoudi « avant de basculer vers le tout en ligne ».

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* Recherche vaine que celle de l'objectivité dans l'activité d'évaluation comme l'a bien démontré François-Marie GERARD, dans son article
L'indispensable subjectivité de l'évaluation

** Ceci pose la question de son pouvoir d'évaluateur de la part du tuteur. Cf. Rodet (2003)
Le Pouvoir et la légitimité du formateur à distance


jeudi 10 avril 2008

A propos des modèles d'exercice des fonctions tutorales de Viviane Glikman. Pour des systèmes tutoraux diversifiés. Par Jacques Rodet

Dans son article « Quels modèles d'exercices de la fonction tutorale à distance pour quels types d'apprenants ? », Viviane Glikman présente quatre modèles : « fonctionnel » ; « affectif » ; « pédagogique » ; « holistique ».

Ces modèles sont définis à partir de différents éléments tels que le(s) plan(s) de support à l'apprentissage privilégiés, le statut du tuteur au sein de l'institution, le niveau d'implication du tuteur dans ses fonctions, la modalité d'intervention (proactive ou réactive), le type de communication entre le tuteur et le(s) apprenant(s), le rapprochement de la démarche tutorale à un modèle pédagogique.

Glikman examine également à quels types d'apprenants, ces modèles sont les mieux adaptés. Pour cela, elle s'appuie sur la typologie des apprenants qu'elle avait proposée dans un article précédent « Apprenants et tuteurs : une approche européenne des médiations humaines » (Education permanente. 2002 , no 152.). Ceci l'amène à constater que « En tout état de cause, on peut d’ores et déjà, à partir de cette première approche, exclure l’existence d’un "bon modèle", normalisable, d’exercice de la fonction tutorale. »

L'application d'un de ces modèles, dans un dispositif de formation, apparaît être davantage attachée à la volonté institutionnelle de l'organisme dispensateur de la formation qu'à la prise en compte individualisée des besoins de support des apprenants ou même à celle des compétences et préférences d'exercice de leurs fonctions par les tuteurs puisque « Il n’est, d’ailleurs, pas rare de constater qu’un même tuteur exerçant dans plusieurs institutions est conduit à incarner dans chacune d’elle un modèle différent. »

Comme par ailleurs, il a été constaté au cours de cette recherche que l'adoption d'un modèle était, sauf exception, exclusive de la mise en oeuvre des autres modèles, Glikman tire pertinemment la conclusion suivante : « Il en résulte que beaucoup d’apprenants ne rencontrent pas, dans une institution donnée, le modèle tutoral correspondant à leurs besoins, ce qui a des conséquences non négligeables sur la poursuite de leurs études. »

C'est pourquoi Glikman formule quelques propositions qui seraient susceptibles d'améliorer cette situation. « Des stratégies pour traiter ce problème peuvent consister, selon les possibilités et les contraintes locales, à renforcer la formation des tuteurs (très souvent insuffisante, sinon même inexistante), notamment en insistant sur la nécessaire vigilance quant aux caractéristiques des apprenants qu’ils doivent accompagner, ou à distribuer la charge tutorale entre des tuteurs aux missions différenciées en fonction de leurs conceptions pédagogiques et de leurs compétences, ou encore à créer des équipes tutorales échangeant sur leurs pratiques, prenant en charge collectivement certains apprenants ou se les répartissant selon les compatibilités entre les besoins de ces derniers et les modèles privilégiés par leurs différents membres. »

Si je rejoins Viviane Glikman lorsqu'elle pointe la « fausse évidence qui tendrait à regarder le modèle ''holistique et personnalisé'' comme le modèle idéal », il me semble qu'il peut néanmoins être considéré un peu à la manière de la démocratie, comme n'étant pas le meilleur mais le moins pire des systèmes. J'en veux pour preuve que dans le tableau de Glikman qui résume les pratiques tutorales correspondant aux quatre modèles, c'est bien le modèle « holistique et personnalisé » qui permet de recouvrir le spectre le plus large des fonctions tutorales.

Je me demande également si ce n'est pas le caractère prédominant de la proactivité plutôt que les autres caractéristiques de ce modèle qui le rendent inadapté aux apprenants « déterminés » et « indépendants ». Ne faudrait-il donc pas jouer plus subtilement de cette proactivité, voire, lui préférer la réactivité pour ces profils d'apprenants ?

De manière plus pragmatique, il est certain que les « indépendants » et les « déterminés » sont bien moins nombreux que les « désarmés », les « hésitants » et tous les autres types d'apprenants pour lesquels le modèle « holistique et personnalisé » est adapté. Adopter ce modèle d'exercice de la fonction tutorale pourrait donc constituer un pari gagnant.

Mais, il est possible aussi de considérer ce modèle comme non idéal pour d'autres raisons. Il nécessite des tuteurs aux compétences plus larges que pour les autres modèles et sa mise en place nécessiterait des engagements, y-compris financiers, plus lourds pour l'institution. Ces tuteurs devraient également être mieux formés et il est vrai qu'en l'absence de filière de formation initiale et diplômante pour l'exercice du métier de tuteur, la formation de ceux-ci relèvent de la formation continue et reste donc très largement à la charge des employeurs. Le récent conflit des tuteurs de la Téluq a bien montré que la reconnaissance de l'identité professionnelle des tuteurs passait par une augmentation des rémunérations. Mais toujours dans le cadre de ce conflit, il est apparu que des coûts symboliques pouvaient également impacter une démarche tutorale ambitieuse. Ainsi, des réactions pour le moins ambivalentes de professeurs à l'égard des tuteurs de la Téluq, certains se sentant dépossédés de leur spécificité professionnelle. Réaction assez classique, du moins bien décrite par les sociologues des professions, qui veut que tout groupe de professionnels se définisse, entre autres, par sa capacité à filtrer l'accès à la profession.

Glikman nous montre que c'est bien l'institution qui décide du modèle qui sera en vigueur. Si celle-ci reste centrée sur ses seuls intérêts, il y a de forte chances pour que le modèle choisi soit le modèle « fonctionnel » assez économique et facile à mettre en oeuvre puisqu'il réclame des apprenants préalablement autonomes auxquels il est offert un support essentiellement didactique et réactif. N'est-ce pas ce que nous pouvons constater aujourd'hui dans de nombreuses institutions ?

Si maintenant, nous essayons de nous mettre à la place des apprenants dans toute leur diversité, il va de soi que la suggestion de Glikman visant à ce que les institutions « diversifient leurs modèles tutoraux de façon à satisfaire un plus grand nombre d’apprenants » est de loin préférable à l'autre hypothèse qui serait de sélectionner à l'entrée les apprenants en fonction de la compatibilité de leurs profil d'apprenant avec le modèle d'exercice des fonctions tutorales adopté par l'institution.

Faire cohabiter une variété de modèles, n'est-ce pas là, un autre idéal ? Certainement, mais il vaut la peine d'être poursuivi !

Les modèles « affectif » et « pédagogique » pouvant être considérés, à mon sens, comme des sous ensembles du modèle « holistique et personnalisé », deux stratégies sont envisageables. Soit introduire à côté du modèle « fonctionnel », le modèle « affectif », puis le modèle « pédagogique » puis le modèle « holistique et personnalisé ». Cette méthode risque d'être longue et ne répondra donc que tardivement aux besoins des « désarmés » et des « hésitants ». Soit introduire directement à côté du modèle « fonctionnel », le modèle « holistique et personnalisé » en remettant en question le caractère fortement proactif des interventions tutorales induit par ce modèle lorsqu'il s'agit d'accompagner les « déterminés » et les « marginaux » pour qui le modèle « pédagogique » est plus adapté.

Ainsi, si le modèle « holistique et personnalisé » n'est pas un modèle idéal d'exercice des fonctions tutorales, sa mise en oeuvre, pour beaucoup d'institutions, contribuerait de manière réelle, à la diversification des modèles utilisés qui, elle, est le véritable idéal tutoral à poursuivre pour la satisfaction de tous les apprenants.

Un autre aspect important du texte de Glikman tient aux statuts et positions professionnelles des personnes qui exercent des fonctions tutorales. Lors de l'enquête réalisée en Allemagne, en Angleterre et en France, les personnes qui ont été repérées comme ayant des fonctions tutorales n'étaient pas toutes des tuteurs mais également des enseignants, des formateurs, des personnels administratifs, des conseillers, etc.

Cette implication, pour l'atteinte d'un objectif commun, de personnes ayant des profils professionnels divers, étant attachées à des services différents, est caractéristique des démarches globales impactant les organisations telle que la démarche qualité. Le service aux apprenants relèverait donc d'une ingénierie impactant le plus grand nombre des salariés de l'institution, du moins, tous ceux qui, à un titre ou à un autre, sont à un moment donné en relation avec les apprenants. Il s'agit bien là d'une autre diversification, celle des « personnes tutrices », à côté de celle des modèles d'exercice des fonctions tutorales. C'est en quelque sorte de cela dont il est question lorsque Glikman évoque la distribution de « la charge tutorale entre des tuteurs aux missions différenciées » et la « création d'équipes tutorales échangeant sur leurs pratiques, prenant en charge collectivement certains apprenants ou se les répartissant selon les compatibilités entre les besoins de ces derniers et les modèles privilégiés par leurs différents membres.».

Ces deux diversifications fonctionnent sur la spécialisation du support à l'apprenant, tant en fonction de ce qu'il est, lui, et de ses besoins, que de celle des compétences des « personnes tutrices » sur tel ou tel plan de support à l'apprentissage*. L'apprenant n'étant qu'une seule et même personne, ces spécialisations devraient forcément être coordonnées au sein d'un système tutoral, spécifiant les rôles et les périmètres de chacun des acteurs et qui en organiserait la saine économie.

Ceci me paraît effectivement une piste, en particulier pour les entreprises qui, pour différentes raisons, sont moins susceptibles que l'université, de fonctionner de manière itérative et expérimentale et qui par ailleurs possèdent un savoir-faire en ingénierie et mise en oeuvre de démarches globales en leur sein.

Il existe pourtant une autre diversification possible du support à l'apprenant qui ne fonctionne plus sur la spécialisation mais sur l'offre multiple et la redondance du service qui permet à l'apprenant de choisir le type d'encadrement et la personne-ressource qu'il souhaite solliciter à un moment donné**. L'intérêt de cette formule est de ne pas enfermer l'apprenant dans un profil, une fois pour toutes, mais au contraire de lui permettre de se révéler autre au long de son parcours de formation. Cette démarche est celle qui prévaut, par exemple, au programme FAD de la Téluq, où chaque apprenant peut bénéficier de différents types d'encadrement (encadrement-programme, encadrement-cours, encadrement par les pairs). Dans cette perspective, la coordination des personnes-ressources de l'apprenant n'existe pas réellement, voire est refusée (cf. Rodet (2004) L'encadrement par les pairs est-il concurrent de l'encadrement-cours ?) afin de préserver la liberté de l'apprenant. Si cette démarche se revendique d'une approche socioconstructiviste et est donc un exemple du choix du modèle « holistique et personnalisé », l'encadrement-cours peut tout à fait prendre une orientation plus fonctionnelle au gré du besoin de l'apprenant.

En guise de conclusion, il apparaît que les modèles proposés par Glikman sont de précieux outils venant s'ajouter à sa typologie des apprenants, permettant de penser les fonctions tutorales et leur organisation.

Pour ma part, j'ai tendance à réorganiser ces quatre modèles en deux ensembles. Le premier est constitué du modèle « fonctionnel » que j'appelle «Approche tutorale académique » et le second, «Approche tutorale active » qui regroupe les trois autres modèles de Glikman à deux niveaux différents, le modèle « holistique et personnalisé » contenant les modèles « affectif » et « pédagogique ». La co-existence de ces deux ensembles en un seul système tutoral devrait permettre à une institution dispensant des formations à distance de rejoindre tous ses apprenants dans leurs besoins de support à l'apprentissage.


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* Il est à noter que ces spécialisations peuvent aller à l'encontre de l'émergence d'une identité et de la reconnaissance professionnelle des tuteurs dont la professionnalité réside dans la capacité à agir simultanément sur tous les plans de support, pour tous les types d'apprenants. A contrario, il est également vrai que l'exigence de compétence disciplinaire enferme les tuteurs dans des champs d'actions étroits qui les condamnent à exercer leurs fonctions tutorales comme une activité professionnelle annexe. Alors qu'il est demandé aux tuteurs d'être compétents sur le plan disciplinaire et d'être des accompagnateurs, les tuteurs sont statutairement, soit des enseignants qui ne sont pas des accompagnateurs, soit des accompagnateurs, sous diverses appellations, qui ne sont pas des enseignants.

** Sur l'approche synergique des différentes modalités de support à l'apprentissage cf. Rodet (2006) Diversification du support à l'apprentissage