Ginette Provost Flatow : Tout d’abord M. Rodet, un pair ancien est un étudiant en « formation à distance » , ayant cumulé au moins 12 crédits universitaires et qui désire être bénévole. C’est-à-dire être disponible en mode synchrone ou asynchrone, pour accompagner, renseigner et guider le nouvel étudiant qui en fait la demande selon ses besoins. Le pair nouveau quant à lui est également un étudiant en FAD, nouvellement inscrit, et celui-ci fait une demande auprès de l’encadrement programme pour être jumelé à un pair ancien.
JR : Cette forme de tutorat que constitue l’encadrement par les pairs est donc au cœur de votre projet. Avant de nous en parler plus avant, j’ai envie de savoir ce qui vous a poussé a vous intéresser au tutorat en général et à cette forme d’accompagnement de vos pairs.
GPF : Lorsque j’ai débuté et accumulé (12 crédits) au sein de ma maîtrise, je ne croyais pas que j’avais l’expertise nécessaire pour être « pair ancien ». Puis suite à l’avancement de mes études, j’ai rencontré certaines difficultés comme tous les étudiants et j’ai cru que partager mes stratégies pourrait être utile pour de nouveaux étudiants. C’est à ce moment que j’ai accepté l’invitation de la Téluq pour devenir pair ancien. Lorsque j’ai suivi la formation obligatoire pour devenir pair ancien, et suite à plusieurs jumelages, j’ai finalement compris que la base et le succès de tout pair ancien qui désire accompagner un pair nouveau est tout d’abord « l’empathie ».
JR : Et l’empathie pour vous, ca veut dire quoi ?
GPF : C’est la capacité de comprendre, la capacité de ressentir les émotions de quelqu’un d’autre. (ce qui inclut l’angoisse) Selon Carl Rogers, l’empathie consiste à saisir avec autant d’exactitude que possible, les références internes et les composantes émotionnelles d’une autre personne et a les comprendre comme si l’on était cette autre personne. Pour moi c’est être disponible au pair nouveau…C’est me rappeler que je suis une étudiante universitaire qui a un cœur !
JR : Comment situez-vous le pair ancien par rapport au tuteur ? Quelles sont leurs différences ? Ont-ils selon vous des champs de compétences distincts ?
GPF : Voici une excellente question, cependant je répondrai d’après mon expérience personnelle et non pas suite à des recherches approfondies sur le sujet. Le pair ancien est une oreille attentive, une personne disponible qui partage une expérience semblable avec le pair nouveau ayant tout simplement une longueur d’avance en tant qu’étudiant à distance. Le pair ancien n’est pas réellement un tuteur, bien qu’il arrive que les pairs nouveaux désirent nous faire jouer ce rôle. Mais j’ai parfois joué ce rôle malgré moi suite à l’insistance du pair nouveau. Des pairs nouveaux m’ont demandé de commenter des travaux avant la rétroaction de l’auxiliaire d’enseignement et ce fut une surprise.
A mon avis la fonction de pair ancien au sein de l’encadrement programme à l’université du Québec, spécialement en formation à distance est nécessaire pour le moment.
Le tuteur quant à lui, a le fardeau et la responsabilité d’une charge. Bien que chaque tuteur ait son style personnel, il m’est arrivé de percevoir une tension chez certains tuteurs, car il faut comprendre qu’ils ont de nombreuses responsabilités. Certains ont une aptitude naturelle à l’empathie, pour d’autres ce n’est pas simple. Mais il faut ici faire une parenthèse, la communication à distance est extrêmement différente, parfois difficile et spécifique. Par exemple, lors de téléconférence (conférence téléphonique), lorsque l’on ne voit pas les expressions du visage, il est difficile de créer des liens et surtout des liens de confiance. Le pair ancien lui a l’avantage d’être neutre et ne transmet pas cette tension aux pairs nouveaux, car il n’est pas une figure d’autorité.
JR : Il y a quelques années, je m’étais intéressé a l’éventuelle concurrence entre les pairs anciens et les tuteurs (auxiliaires d’enseignement) de la Téluq. J’en étais arrivé a la conclusion que les différents acteurs ne se concevaient pas comme des concurrents alors même que leurs champs d’intervention se recoupaient. A votre avis le pair ancien est-il concurrent du tuteur ?
GPF : Baudrit (2007) parle également de « moniteur » qui d’après lui est un sous maître, les tuteurs ont au contraire un rôle d’assistant ou d’auxiliaire (p.48). Si je me réfère à son livre « Le tutorat, richesse d’une méthode pédagogique », les nouveaux étudiants en formation à distance nécessitent une attention particulière, car au début ils décrochent ou abandonnent (p.6).
D’après moi, le projet « pair ancien » de l’université du Québec, pour le moment, semble faire de la recherche action pour éviter cet état de chose, c’est-à-dire l’abandon, je suppose que beaucoup de résultats concernant cette expérience sont encore à compiler.
Le pair ancien est-il concurrent du tuteur ? Ma réponse serait, quel niveau d’expertise possède le pair ancien ?.... En quoi son expertise peut-elle se comparer à celle de l’auxiliaire d’enseignement ?...
Plusieurs pairs anciens ont énormément d’expérience sur le marché du travail, ont déjà été enseignants et ont même réalisé des études. Cependant, d’autres pairs anciens, je suppose, ont beaucoup moins d’expérience.
Bref à mon avis, le tuteur est l’expert, le pair ancien est l’expert en devenir, ayant comme avantage de ne pas avoir attaché à son image la notion d’autorité.
JR : Selon vous, quels sont les facteurs qui peuvent aboutir à ce qu’un apprenant se dirige plus volontiers vers un pair ancien plutôt que vers son tuteur ?
GPF : Selon moi, un apprenant se dirige plus volontiers vers un pair ancien en formation à distance, car il a l’avantage d’établir une relation avec un pair comme celles que l’on retrouve sur un campus réel. Voilà pourquoi je crois que les commentaires ou observations sur les travaux des étudiants, devraient être encouragés, lorsque le pair nouveau en exprime le souhait.
Un professeur m’a déjà corrigé à ce sujet en soulignant que je tentais de jouer le rôle du professeur… Pas du tout, j’assumais mon rôle de pair ancien !
J’échangeais avec un nouvel étudiant qui me demandais mon opinion sur son travail… et je répondais comme un étudiant sur campus qui répondrait, « ton travail, pas mal du tout, tu es sur la bonne voie ». Il ne faut pas oublier que nous sommes en formation à distance, chaque détail compte et ici je reviens à l’empathie.
JR : Votre blog se présente comme un lieu de ressources pour les pairs nouveaux. Ainsi vous traitez de différentes questions que se pose inévitablement un nouvel apprenant de la Téluq. Je crois savoir que vous souhaitez également faire de votre blog, un lieu de publication de travaux d’étudiants. Comment envisagez-vous ce travail d’éditeur ? Quelles sont les modalités pratiques de ce projet ?
GPF : Ce blog est un exercice dans le cadre d’un travail universitaire « Technologies et apprentissage à distance » , donc l’étudiant a toute latitude, après avoir soumis la partie première du cours, de continuer son projet qui dans mon cas était un « blog ». Effectivement ce « blog » se veut une boîte à outils pour nouveau pair, bien qu’il soit possible que le pair ancien y retrouve également certains documents intéressants.
La publication de travaux d’étudiants, n’était pas et n’est toujours pas le but premier de ce blog. Le blog « Pairsanciens-pairsnouveaux » ne désirait que fournir certains exemples de travaux universitaires pour les pairs nouveaux qui n’avait pas eu l’opportunité d’en feuilleter. Ce concept existe déjà, avec http://www.aeteluq.org
Tout les documents qui figurent sur mon blog sont déjà sur le web et j’utilise des liens profonds, aucun document qui est sur mon blog est une exclusivité et l’on sait qu’aussitôt qu’un document est publié sur le web, l’auteur conserve ses droits. (ou à tout le moins ceci peut servir de preuve si jamais il y a litige).
Quoi qu’il en soit tout les droits d’auteur sont protégés par la licence « creative Commons ». Par exemple, vous M. Rodet, si vous désirez spécifier des points précis concernant la publication de certains de vos travaux avec « Pairsanciens-Pairsnouveaux », nous nous entendons ensemble, sinon c’est la licence « Creatice Commons » qui s’applique.
Merci monsieur Rodet pour cet interview
JR : C'est moi qui vous remercie pour avoir pris le temps de répondre à ces questions
Ginette Provost Flatow est étudiante en maitrise du programme Formation à distance de la Téluq. Elle réside à New-York et depuis trois ans est investie dans l'encadrement par les pairs qui "se définit comme une activité de collaboration entre deux étudiants en vue de soutenir et de faciliter, chez chacun, le processus de construction des connaissances dans un contexte d’apprentissage à distance au deuxième cycle" (Deschênes).
Elle anime le blog Pairs-Anciens-PairsNouveaux qui se veut une sorte de boite a outils pour les Pairs nouveaux.
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