Depuis le milieu des années 2010, les chatbots sont utilisés dans le digital Learning, l’expérience d’Ashok Goel de Georgia Institute of Technology à partir de 2016 en est un bon exemple. Déjà à cette époque, le site humanoides.fr intitulait un de ses articles : « Et si votre tuteur scolaire était en réalité… un robot ! »
Je m’en étais fait l’écho dans un billet du Blog de t@d dans
lequel j’avais analysé les interventions tutorales qui étaient dévolues à cet
assistant pédagogique IA (cf. https://blogdetad.blogspot.com/2016/10/quelle-place-pour-les-robots-dans-le.html)
qui se terminait ainsi : « Les robots et l'intelligence artificielle
sont donc encore loin de pouvoir préempter les fonctions d'accompagnement des
apprenants d'un digital learning. Le recours à des tuteurs humains apparaît
encore indispensable pour répondre à l'ensemble des besoins de soutien des
apprenants. »
Presque 10 ans plus tard, les choses ont-elles changé ?
Il est certain que le développement rapide de l’IA générative
a popularisé le recours aux algorithmes pour réaliser de nombreuses tâches. Parmi
elles, les interventions centrées sur l’accompagnement des apprenants sont
désormais bien identifiées : informer sur le dispositif de formation et
les modalités pratiques, annoncer les dates d’examens et de rendus de devoirs, envoi
de rappels d’échéances, fournir des réponses immédiates aux questions
fréquentes sur les contenus ou les consignes, apporter des explications
complémentaires ou des ressources adaptées, présenter des méthodologies
appropriées pour l’apprentissage, proposer des activités ou exercices adaptés
au niveau et à la progression, produire des rétroactions formatives sur les
travaux remis.
Ceci renforce la tentation de certains, qui depuis toujours
ont souhaité faire l’économie de l’humain au sein du processus de formation
(cf. le e-learning du début des années 2000), et qui aujourd’hui n’hésitent
plus à affirmer que les médiations nécessaires entre le contenu de la formation
et l’apprenant peuvent être complètement prises en charge par l’IA.
Au-delà des aspects marketing de ces dires, élément à ne pas
négliger dans le paysage commercial incertain de l’IA générative (des acteurs
de plus en plus nombreux pour un gâteau qui ne s’agrandit pas ou peu et dont
les modèles économiques sont peu établis), ils traduisent davantage une
méconnaissance des différentes dimensions du support à l’apprentissage qui est
réduit au seul plan cognitif. Or, tous les pédagogues, enseignants, formateurs et
tuteurs le savent, les besoins de soutien des apprenants ne se limitent pas aux
connaissances notionnelles et méthodologiques mais relèvent également des plans
motivationnel, socio-affectif et métacognitif.
En la matière, si des progrès ont été enregistrés par l’IA
générative, elle reste incapable de solutionner à elle seule des cas complexes
d’accompagnement tels que le mauvais fonctionnement d’un groupe collaboratif d’apprenants,
la nécessité de réaliser un entretien qualitatif sur les motivations d’un
apprenant proche de l’abandon, la prise de recul réflexive permettant à l’apprenant
d’identifier les stratégies d’apprentissage qui sont efficaces pour lui, etc.
J’écrivais « à elle seule », ce qui signifie que dans
certains cas, les tuteurs humains peuvent utiliser avec profit l’IA générative
pour assurer un accompagnement plus abouti. J’ai donné des pistes dès 2020 dans
un billet du blog de t@d de ce que peut être une cobotique tutorale, c’est-à-dire
un partage des interventions tutorales entre l’IA et les humains (cf. https://blogdetad.blogspot.com/2020/04/pistes-pour-une-cobotique-tutorale.html).
Outre ces pistes, j’ai posé également quelques principes dont celui qui
consiste à ce que la décision de l’intervention tutorale, après diagnostic
effectué par l’IA ou avec l’IA, reste l’apanage du tuteur humain, et ceci en
dépit des promesses des éditeurs de LLM et des agents capables de traiter de
manière autonome un certain nombre d’actions. Accompagner, c’est établir et
entretenir une relation entre humains, empreinte de confiance. Comment faire
confiance à une IA pour réaliser des interventions à portée humaine alors que l’on
sait qu’elle génère régulièrement des hallucinations ?
Il n’en reste pas moins que sur le plan cognitif, les
avantages des assistants pédagogiques IA sont indéniables. Disponibles en permanence,
ils sont pertinents lorsque les données d’entraînement ont été judicieusement
choisies par l’équipe pédagogique. Le temps gagné pour les tuteurs humains est manifeste
et précieux.
Mais justement, que faire de ce temps et de cette valeur
créée ?
Là encore, la tentation d’engranger le bénéfice et de supprimer
les interventions humaines devenues superflues est grande. Le tutorat à
distance ayant la (fausse) réputation d’être coûteux (combien coûtent les
abandons ?), l’IA crée l’opportunité pour les institutions de se dégager rapidement
de leurs responsabilités dans la réussite des apprenants et de la définition d’une
véritable politique tutorale déclinée au sein d’une ingénierie tutorale.
Pour ma part, j’ose espérer que ce
temps gagné, cette économie réalisée, soient réinvestis pour poursuivre de plus
nombreux objectifs tutoraux (cf. matrice des OTG in « Pratiques du tutorat
à distance. Livret d’interventions »
https://sites.google.com/site/pratiquesdetutoratadistance).
Trop fréquemment les institutions, pour faire face à leurs
contraintes, sont dans le meilleur des cas, obligées d’arbitrer entre les besoins de
soutien des apprenants en ne retenant qu’un nombre réduit d’objectifs tutoraux
à poursuivre, et dans le pire des cas, renoncent à tout dispositif d’accompagnement
prétextant un coût insupportable. Celles qui relèvent du second cas, traduisent
ainsi une méconnaissance profonde de la nature et des périmètres du tutorat à
distance ainsi que de ses coûts réels, n’ayant pas fait l’effort de la quantification
des interventions tutorales et de la réflexion sur leur modèle économique. Il s’avère
qu’investir dans le tutorat à distance est presque toujours une bonne affaire,
y-compris financièrement, que ce soit directement ou indirectement par le
renforcement de l’image de marque. Quant à celles qui sont dans le premier cas,
l’utilisation de l’IA peut significativement améliorer leur dispositif tutoral
en choisissant de poursuivre un plus grand nombre d’objectifs tutoraux.
En définitive, l’intégration croissante de l’intelligence
artificielle dans le domaine du digital learning ouvre des opportunités
inédites pour enrichir et diversifier les modalités d’accompagnement des
apprenants. Toutefois, il est essentiel de garder à l’esprit que l’IA, aussi
performante soit-elle sur le plan cognitif, ne saurait remplacer la dimension
humaine, irremplaçable dans la gestion des aspects motivationnels, affectifs et
métacognitifs. L’avenir du tutorat à distance réside donc dans une complémentarité
intelligente, où l’IA agit en soutien des tuteurs humains, libérant du temps
pour des interventions plus personnalisées et qualitatives. Cette collaboration
cobotique tutorale, doit être pensée et mise en œuvre avec rigueur, en plaçant
toujours la relation de confiance et la réussite des apprenants au cœur des
priorités. À terme, les institutions qui sauront investir dans cette synergie
innovante renforceront non seulement la qualité de leurs dispositifs, mais
aussi leur capacité à accompagner efficacement la diversité des besoins et des
parcours d’apprentissage.
Texte rédigé avec l’aide de l’outil Perplexity pour la reformulation et la conclusion. Image générée avec ideogram.ai