lundi 10 novembre 2008

Parce que le tuteur à distance ne peut ignorer la pédagogie...


Si le tuteur à distance intervient plus en remédiation et en soutien à l'apprentissage qu'en enseignement, qui lui, est incarné par les ressources médiatisées du dispositif, il n'en est pas moins un acteur pédagogique.

Alors qu'il ne fait pas toujours très bon, aujourd'hui, de s'affirmer pédagogue, un livre utile de Philippe Meirieu « Pédagogie, le devoir de résister » (ESF, 2008) nous invite au contraire à assumer pleinement ce rôle en particulier par la création de situations et d'activités pédagogiques.

Le propos de Meirieu est plus centré sur la situation de l'école et n'aborde pas la formation des adultes qui sont les principaux utilisateurs de dispositifs de FOAD. Toutefois, les transpositions sont possibles et certaines formules font mouche.

P47 :
Quant au professeur, il reste tributaire du mythe socratique. Socrate est toujours là, en effet. Il incarne la perfection de la médiation : transmettre sans imposer, instruire sans normaliser, accompagner sans brutaliser.

P.54 :
Or, l'enfant, passe toujours par une phase où, installé dans la toute-puissance, il croit pouvoir commander aux êtres et aux choses... Or, ce qui fait crise aujourd'hui, c'est que la machinerie sociale tout entière, loin de fournir des points d'appui à l'enfant pour se dégager de l'infantile, répercute à l'infini le principe dont l'éducation doit justement lui apprendre à se dégager : « tes pulsions sont des ordres ».

P. 56 :
... la réussite de toutes nos tentatives pour améliorer les connaissances des élèves est subordonnée à notre capacité à traiter en profondeur de la question de l'attention... Et le philosophe Gabriel Madinier qui faisait de « l'inversion de la dispersion » la tâche éducative par excellence (1954) a, plus que jamais, raison.

P.57 :
...être attentif, ce n'est pas être réceptif, c'est être en recherche, en projet, répondre à des questions que l'on s'est préalablement appropriées (É. Claparède, 2003)... Il faut vectoriser le temps scolaire par une « pédagogie du chef-d'oeuvre », pour que chacun puisse s'inscrire dans un projet et cesse d'exiger tout, tout de suite, tout le temps.

P. 61 :
...le maître ne peut se dérober. Il doit se saisir pleinement du paradoxe pédagogique : faire en sorte que l'autre désire apprendre ce que l'on doit lui enseigner, le mobiliser pour qu'il s'engage personnellement dans une démarche d'apprentissage dont les objectifs ont, pourtant été fixés par d'autres, indépendamment de l'histoire singulière de chacun (F. Rey et A. Sirota, 2007, p.118)... « Comment enseigner à ceux qui ne veulent pas apprendre ? »

P. 67 :
La perspective pédagogique consiste donc à « sortir par le haut » de cette contradiction : pas question de se mettre béatement à l'écoute des « intérêts » des élèves, ni de leur imposer aveuglément « ce qui est dans leur « intérêt ». Il faut en revanche, imaginer des situations capables de réconcilier l'un et l'autre (J. Dewey, 1990)... Articuler la dynamique de l'apprendre et la structuration de l'enseigner

P. 81 :
La pédagogie considère que chacun apprend avec une stratégie qui lui est propre mais qui n'est pas, pour autant, figée ; il peut la modifier et l'enrichir en fonction de ses expériences. La découverte progressive de stratégies d'apprentissage est un moyen d'accèder à l'autonomie.

Pour la pédagogie, il est impossible de séparer le cognitif et l'affectif : apprendre suppose un travail dur l'image de soi et toute acquisition de connaissance engage nécessairement un réaménagement de la personne. On peut faire le choix méthodologique de travailler sur la médiation cognitive - c'est même particulièrement conseillé quand on est enseignant -, on ne peut pas abolir par décret ce qu'on ne prend pas en compte par méthode.

P.82 :
Pour la pédagogie, il est impossible de séparer l'individuel et le social : personne ne peut apprendre absolument seul et la manière d'apprendre révèle toujours une conception de la socialité, des rapports au savoir et au pouvoir. Il n'est aucune connaissance qui puisse être acquise en dehors d'une relation sociale et cette relation peut entretenir l'assujettissement ou, au contraire, permettre l'émancipation.

2 commentaires:

M'sieur SVP a dit…

Le commentaire glané sur la page 57 exprime à merveille l'une des difficultés que je rencontre quotidiennement.

Mes apprenants sont nombreux à avoir une idée trop floue :
* de leur projet personnel d'une part ;
* des étapes et des exigences nécessaires et suffisantes à la réalisation de ce même projet.

J'ai le sentiment qu'aider nos apprenants à préciser leur projet pourrait s'avérer un puissant levier pédagogique.

L'apprenant a le droit de sélectionner ce qui l'intéresse.
L'enseignant doit reconnaître cette liberté.
Mais l'enseignant a aussi le devoir d'organiser cette liberté ainsi que le souligne la citation de la page 67.

Faut-il s'évertuer à créer des situations...
ou...
Faut-il être à l'écoute des situations réelles pour rebondir sur elles et inviter l'apprenant à consulter et travailler sur des contenus bâtis sous forme de TRUC, sorte de grains de connaissance ré-utilisables ?

J'interprète les TRUCs comme une méthodologie facilitant la création de FAQs complexes et structurées.

J'aime bien la forme des FAQs, cette formulation interrogative qui invite à approfondir.
Ce n'est pas un hasard si la majorité des requêtes adressées à Google commence par "Comment..." !


Qu'en pensez-vous ?

Le blog de t@d a dit…

Bonjour Gaël,

Créer de situations ou être à l'écoute des situations réelles...

Faut-il vraiment choisir ?

Les deux sont à utiliser selon moi. Les premières peuvent être utiles, en particulier, avant que l'écoute puisse être réalisée et que soient repérer les situations authentiques utilisables pour l'apprentissage.

Comme en FOAD, la conception est réalisée en l'absence des apprenants, il ne me semble pas possible de s'appuyer uniquement sur ces dernières.