lundi 13 octobre 2008

Tutorat et lien social dans un dispositif de formation hybride [1/2]. Par Catherine Roupié


La formation hybride mettant en œuvre une combinaison de modalités pédagogiques modifie l’attractivité des offres de formation et change les postures des apprenants et des formateurs conséquence de la dissociation des unités de temps et de lieux qui lui incombent.
A travers deux billets, et sur la base d’un audit de la formation hybride, nous souhaitons comprendre la construction du lien social dans un dispositif de formation hybride ; se pose également la question de la fonction tutorale.

Dans ce premier billet, nous vous présentons le contexte de notre réflexion qui nous conduira a exposer notre problématique de recherche.
Le second billet rendra compte des résultats obtenus et nous proposerons une série de recommandations destinées à améliorer le dispositif pour développer et structurer le lien social.

S’il existe de nombreuses définitions des termes « formation hybride », il en va tout autant de leurs mises en pratiques. Les typologies appliquées sont variables selon la définition adoptée par l’institution mais aussi selon le dispositif qui l’accueille. En effet, l’articulation optimum des temps de formation en présentiel et des temps de formation à distance, via un environnement technologique (site web, plate forme, portail..), reste à définir (BAHRY J., président du FFFOD, 2002). Le plus souvent l'une des deux modalités est dominante par rapport à l'autre. Dans l’institution qui m’accueillie pour une étude d’audit, un institut spécialisé du Conservatoire National des Arts et Métiers en Aquitaine, l’ICSV, la formation hybride se répartit selon le ratio 30/70, présence/distance.

Au sein de l’ICSV – Institut des Cadres Supérieurs de la Vente – mon étude a porté sur une formation de niveau II en marketing et vente, s’articulent entre temps présentiel et temps à distance, d’une durée moyenne de 300 heures (BAC + 4 en 2 ans) mise en place depuis deux ans selon les modalités pédagogiques suivantes :
- Les séminaires en présentiel (30 % du volume horaire) permettent de vérifier les acquis, de mettre en pratique les éléments théoriques (travaux d’application), et de favoriser la motivation et la dynamique de groupe.
- Le cours diffusé sur Internet est rendu possible avec l’arrivée du studio de cours (30% du volume horaire). Celui-ci est composé d’une Tablet PC, d’une caméra et d’un vidéo projecteur et d’un tableau blanc interactif. D’une durée de deux heures (18H30 - 20H30), et deux fois par semaine, ces cours sont destinés à la présentation des fondamentaux de la matière. L’interactivité entre l’enseignant et les auditeurs distants est faible mais possible grâce à l’ouverture d’un canal de chat. Le cours est accessible en direct et à distance puis en différé via la plateforme pédagogique nationale Plei@d.
- Les activités pédagogiques distantes représentent 30 % du volume horaire global et sont initiées par le formateur et réalisées en autonomie par les apprenants. Ce travail correspond essentiellement à la préparation des cours, à la présentation de cas ou d’exercices pour préparer les groupements, avec l’objectif de mettre à profit et de valoriser le vécu professionnel des auditeurs et de susciter le partage d’expériences et l’entraide entre apprenants. Les échanges entre formateurs et élèves se font via le forum ou le chat, individualisés ou collectifs.
- Le travail personnel encadré et impulsé par le formateur dans le cadre de sa progression pédagogique (le volume horaire restant, soit 10 %), est consacré principalement à la lecture, la recherche, l’analyse. L’apprenant s’approprie ainsi les enseignements en autonomie et mène un travail réflexif.

Au cours de cette étude, trois observations préalables ont pu être établies et concernent le cours multi diffusé, les liens entre les acteurs et les activités distantes.

Tout d’abord, dans cette structure, les formateurs perçoivent la formation hybride comme une formation classique de type présentiel diffusée par un canal technologique pour le cours multi diffusé. Celui-ci, en effet, réintroduit les contraintes de temps et de lieu comme lors d’une séance en face à face. L’enseignement devient alors du présentiel mis en œuvre à distance au moins pour le formateur car l’apprenant peut suivre ce cours en salle en direct avec le formateur mais aussi en direct à distance ou bien encore en différé à distance.
Cette dernière alternative place bien cette modalité pédagogique dans une logique de formation à distance.

Ensuite, les liens qui unissent les apprenants et les formateurs lors des séances de formation classique se voient modifiés avec la mise à distance de l’enseignement. En effet, l’innovation informatique n’est pas une simple innovation technique ; elle transforme aussi les modes de communiquer et transforme ainsi les espaces et les formes d’apprentissage alors que la transmission du savoir nécessite toujours un minimum de lien social, d’« interactivité humaine » (GLIKMAN 2006). Ces liens ont un rôle prépondérant dans l’acquisition de connaissances dans la mesure où l’apprenant se retrouve en rapport direct avec le savoir. Le conflit socio-cognitif apparaît dans une interaction sociale, il est interindividuel (VYGOTSKI et la ZODEP – zone de développement proximale). L’introduction de la technologie pose alors la question du lien social, c’est à dire des relations établies entre les personnes (dimension sociale, territoriale, professionnelle), et de l’interactivité (échanges d’information), difficile à mettre en œuvre lors du cours multi diffusé et non suscitée en dehors des séances d’enseignement programmées.
Ce phénomène est habituellement caractéristique des formations à distance.

Enfin, le dernier point à souligner, est celui des activités pédagogiques distantes. Aujourd’hui, dans les faits, elles sont confondues en un même temps avec le travail personnel. Ces deux actions s’apparentent davantage, pour les apprenants, à du temps de travail personnel sur les enseignements effectué de façon isolée. La mise en place de l’accompagnement de l’appropriation des savoirs ainsi que la réalisation par les apprenants d’activités collaboratives, devraient favoriser la création de ce lien social. Ces activités pédagogiques, réalisées en groupe ou de façon individuelle, seront suivies dans leur réalisation par le formateur-tuteur.
METZGER (2004) distingue trois types de liens sociaux dans les formations en ligne dont la communauté de professionnels fait partie au sens de collectif structuré ayant des échanges formalisés.

La formation à distance implique donc la transformation de la relation formateur – apprenant car l'on passe d'une relation formateur – formé (passif) à une relation formateur – apprenant (actif) et sont alors introduites des actions tutorales (LEBRUN (2005), BARB0T (2006) et le collectif de CHASSENEUIL (2001)).
De plus, avec les technologies, le rapport au savoir est modifié dans la mesure où les apprenants ont un accès direct aux contenus des cours. Par conséquent, ce type de dispositif engendre une rupture du processus communicationnel (GARRISON et SHALE (1987) cités par CHARLIER B., DESCHRYVER N., PERAYA D., 2006). Or, le savoir est d’abord relation nous dit CHARLOT B (1997), cité par DECRAYE P. (2002).

De ce fait, nous sommes alors amenée à penser que la mise à distance de l’enseignement altère le lien social et que le tuteur devient un élément clé dans sa construction.

DANS QUELLE MESURE INTEGRER LA FONCTION TUTORALE DANS UN DISPOSITIF DE FORMATION HYBRIDE ?
  • Dans quelle mesure la fonction tutorale peut-elle améliorer le lien social ?
  • Dans quelle mesure le tuteur peut-il faciliter la mise en place d’un collectif d’apprenants ?
Pour répondre à cette question, nous formulons deux hypothèses de travail :
  • Le lien social dans une formation à distance est assuré par le tuteur.
  • Engager les apprenants dans des activités collaboratives tutorées favorise la construction du lien social.
Les éléments de réponses à cette problématique ont été recueillis à l’aide d’une enquête quantitative et qualitative réalisées auprès des formateurs et des apprenants de l’ICSV. Nous vous proposons de nous retrouver la semaine prochaine pour vous présenter les résultats obtenus et répondre ainsi à notre interrogation centrale « Tutorat et lien social dans un dispositif de formation hybride ».


BIBLIOGRAPHIE

BARBOT MJ, DEBON C, GLIKMAN V (2006), Logiques pédagogiques et enjeux du numérique : quelques questions vives, Education permanente, n°169
CHARLIER B., DESCHRYVER N. et PERAYA D. (2006), Apprendre en présence et à distance - Une définition des dispositifs hybrides, Distances et Savoirs
Collectif de Chasseneuil - Conférence de Consensus – “ Formations Ouvertes et à Distance. L’accompagnement pédagogique et organisationnel. ”, mars 2000
DECRAYE P (2002), Feuillet d’information n° 20 de la FOPA Institut de formation en sciences de l’éducation pour adultes
GLIKMAN V. (2006), Formations à distance : au nom de l’usager, Distances et savoirs, volume 3, n°2
LEBRUN M (2002), Des technologies pour enseigner et apprendre, De Boeck Université
METZGER JL. (2004), Devenir enseignant en ligne : entre surcharge et isolement, Distances et savoirs, volume 1, n°7

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