ou la rencontre durable de plus en plus improbable entre l’apprenant avec les formateurs, et donc, vers des responsabilités nouvelles à partager…
Les autres épisodes : L’apprentissage informel vu du côté : de l’Europe (épisode 1, déjà paru en mai 2011) et (sous réserve de confirmation), des organismes de formation et de l’apprenant lui-même (épisodes 3 & 4, à venir fin 2011).
Une évolution relativement récente, même si !
Depuis les lois de 1971, dans un contexte économique tendu lié à une modernisation constante des modes de production des biens et des services, et à une interdépendance généralisée et numérisée, une bascule s’est progressivement opérée dans notre secteur. On est passé d’une logique instituée de formation professionnelle, vers une logique de plus en plus personnelle dite de professionnalisation (1). L’aptitude et la responsabilité d’entretenir «son employabilité» sont aujourd’hui clairement partagées entre l’entreprise et le salarié. Pour cela, en fonction de la taille, la nature et le secteur des entreprises, plusieurs stratégies peuvent être observées, dont une portant explicitement sur la prise en compte et la valorisation des apprentissages informels exercés dans l’espace-temps de travail.
Les grandes entreprises se sont saisies en premier de cette question. Elles ont considéré cette tendance comme un axe innovant de régulation potentielle des organisations devenues de plus en plus complexes. On demande au travailleur, à la fois de s’inscrire dans la ligne managériale collective, canalisant le champ d’actions possibles et, en même temps, de faire preuve d’initiative individuelle dans le savoir-agir, pour être un professionnel durablement compétent. L’une des manières de réduire cette tension porterait sur la capacité de chacun des travailleurs, y compris les travailleurs du savoir, à maintenir son efficacité, en développant des modes diversifiés d’apprentissage essentiellement informels. Ce sont les savoirs acquis sur son poste, ou en situation de travail agissant en production, en imprégnation, en interaction, en régulation, en veille ou autre. Dans cette perspective, l’apprentissage informel devient un gisement de développement de compétences, à l’initiative et à la disposition de chacun d’entre-nous. On serait ainsi mieux armé pour faire face aux résolutions de problèmes, à la prise de décision et à la créativité permanente souhaitée, attendue ou exigée, dans notre bulle professionnelle. Il s’agit de profiter, en continu, de toute situation pour se former, et ainsi, anticiper les ruptures de production ou dysfonctionnements possibles dans son activité, celles de ses collègues ou ses partenaires, et aussi, faire preuve de créativité. Apprendre et travailler ou travailler et apprendre, ensemble (2), tel serait le nouveau challenge qui, on le pressent bien, ne concerne aujourd’hui qu’une minorité de personnes (3) et qui, en même temps, à toujours exister entre compagnons, par exemple.
Des contradictions et des opportunités possibles !
D’une occasion naturelle d’apprentissage permanent, le risque ici pourrait être de donner une nouvelle responsabilité individuelle, soit trop forte ou pas assez accompagnée, soit même en contradiction avec le mode de management de l’entreprise. La reconnaissance des savoirs, liée aux apprentissages informels, ne peut s’inscrire efficacement dans des organisations souples qui favorisent une culture et des pratiques de collaboration, terrain fertile à un apprentissage transversal et collectif. L’autre dérive possible serait de considérer l’espace des apprentissages informels, comme un substitut à la faiblesse de pilotage des projets ou à la substitution d’autres actions de professionnalisation, dont la formation «traditionnelle», comme le fameux «stage», modalité toujours dominante. Le cabinet «Interface» (4), l’un des témoins de la journée organisée le 06 avril 2011 par la revue internationale «Savoir», a repéré, non pas des catégories d’apprentissages informels, mais plutôt des types de situations informelles où des apprentissages personnels pouvaient naître et se déployer. Ces situations propices aux quatre apprentissages informels seraient les suivants : ceux dits d’ajustement où le travailleur(euse) acquiert les compétences juste nécessaires pour être à l’aise sur son poste de travail ; dits de dépassement où l’employé(e) rebondit sur cette situation pour acquérir de nouvelles connaissances ou compétences ; dits de signature personnelle où la personne apporte, par cet apprentissage nouveau, une touche sur le produit ou le service, sous forme d’innovation)et enfin, dits déviants où le salarié(e) transgresse le protocole établi pour faciliter une intervention favorable à la production ou à la relation client, par exemple.
L’impact du numérique
L’essor des technologies numériques est l’une des raisons majeures de la démultiplication des situations professionnelles propices aux apprentissages informels. En conséquence, dans notre société digitale, la question même de l’intérêt de la distinction entre formel et informel peut se poser (5). D’abord, l’effet Internet nous permet d’avoir accès immédiat à une masse d’informations et de contacts, porteurs de rebond et de sérendipité, favorables aux apprentissages instantanés. Il suffit de disposer d’un poste connecté. L’explosion des outils et des pratiques Web 2.0 (6) place chacun d’entre-nous comme un émetteur éventuel de contenus, plus ou moins intéressants, selon notre e-réputation établie, en partie, par nos pairs. Cela démultiplie les occasions d’échanges et de collaborations possibles, sur le lieu de travail, ou non, sur le temps de travail ou non, sur le sujet de travail ou non, selon les conditions catalysant les échanges (7) porteurs d’innovation ! Dans ce monde digital, les frontières s‘estompent ; celles qui nous empêchent et celles qui nous protègent, celles aussi qui délimitent nos sphères personnelles.
Eclairer et valoriser l’informel
Dans cette dynamique de l’entreprise apprenante, des questions organisa-tionnelles, juridiques et éthiques apparaissent. Avec ce type d’approche horizontale d’entretien et de renouvellement des savoirs liés aux tâches, chaque acteur est, en quelque sorte, tuteur de sa propre communauté de travail, elle-même tutorante. La confiance entre collègues, et le partage des valeurs communes sur le travail et l’apprentissage, semblent constituer un socle nécessaire de reconnaissance et de régulation de ces nouveaux e-apprentissages informels. Pour cela, les démarches liées à la VAE et aux Portfolios constituent indéniablement des pistes intéressantes.
Notes
(7) On peut noter la contradiction d’une stratégie de rémunération individuelle au mérite, dans des équipes e-projets, de plus en plus nombreuses, dont la réussite collective repose sur la qualité des échanges de confiance continue entre pairs.
Illustration : tirée de l’album «Jugar con ma Luna» par Astroturismlo – Eventos, via Facebook
Depuis les lois de 1971, dans un contexte économique tendu lié à une modernisation constante des modes de production des biens et des services, et à une interdépendance généralisée et numérisée, une bascule s’est progressivement opérée dans notre secteur. On est passé d’une logique instituée de formation professionnelle, vers une logique de plus en plus personnelle dite de professionnalisation (1). L’aptitude et la responsabilité d’entretenir «son employabilité» sont aujourd’hui clairement partagées entre l’entreprise et le salarié. Pour cela, en fonction de la taille, la nature et le secteur des entreprises, plusieurs stratégies peuvent être observées, dont une portant explicitement sur la prise en compte et la valorisation des apprentissages informels exercés dans l’espace-temps de travail.
Les grandes entreprises se sont saisies en premier de cette question. Elles ont considéré cette tendance comme un axe innovant de régulation potentielle des organisations devenues de plus en plus complexes. On demande au travailleur, à la fois de s’inscrire dans la ligne managériale collective, canalisant le champ d’actions possibles et, en même temps, de faire preuve d’initiative individuelle dans le savoir-agir, pour être un professionnel durablement compétent. L’une des manières de réduire cette tension porterait sur la capacité de chacun des travailleurs, y compris les travailleurs du savoir, à maintenir son efficacité, en développant des modes diversifiés d’apprentissage essentiellement informels. Ce sont les savoirs acquis sur son poste, ou en situation de travail agissant en production, en imprégnation, en interaction, en régulation, en veille ou autre. Dans cette perspective, l’apprentissage informel devient un gisement de développement de compétences, à l’initiative et à la disposition de chacun d’entre-nous. On serait ainsi mieux armé pour faire face aux résolutions de problèmes, à la prise de décision et à la créativité permanente souhaitée, attendue ou exigée, dans notre bulle professionnelle. Il s’agit de profiter, en continu, de toute situation pour se former, et ainsi, anticiper les ruptures de production ou dysfonctionnements possibles dans son activité, celles de ses collègues ou ses partenaires, et aussi, faire preuve de créativité. Apprendre et travailler ou travailler et apprendre, ensemble (2), tel serait le nouveau challenge qui, on le pressent bien, ne concerne aujourd’hui qu’une minorité de personnes (3) et qui, en même temps, à toujours exister entre compagnons, par exemple.
Des contradictions et des opportunités possibles !
D’une occasion naturelle d’apprentissage permanent, le risque ici pourrait être de donner une nouvelle responsabilité individuelle, soit trop forte ou pas assez accompagnée, soit même en contradiction avec le mode de management de l’entreprise. La reconnaissance des savoirs, liée aux apprentissages informels, ne peut s’inscrire efficacement dans des organisations souples qui favorisent une culture et des pratiques de collaboration, terrain fertile à un apprentissage transversal et collectif. L’autre dérive possible serait de considérer l’espace des apprentissages informels, comme un substitut à la faiblesse de pilotage des projets ou à la substitution d’autres actions de professionnalisation, dont la formation «traditionnelle», comme le fameux «stage», modalité toujours dominante. Le cabinet «Interface» (4), l’un des témoins de la journée organisée le 06 avril 2011 par la revue internationale «Savoir», a repéré, non pas des catégories d’apprentissages informels, mais plutôt des types de situations informelles où des apprentissages personnels pouvaient naître et se déployer. Ces situations propices aux quatre apprentissages informels seraient les suivants : ceux dits d’ajustement où le travailleur(euse) acquiert les compétences juste nécessaires pour être à l’aise sur son poste de travail ; dits de dépassement où l’employé(e) rebondit sur cette situation pour acquérir de nouvelles connaissances ou compétences ; dits de signature personnelle où la personne apporte, par cet apprentissage nouveau, une touche sur le produit ou le service, sous forme d’innovation)et enfin, dits déviants où le salarié(e) transgresse le protocole établi pour faciliter une intervention favorable à la production ou à la relation client, par exemple.
L’impact du numérique
L’essor des technologies numériques est l’une des raisons majeures de la démultiplication des situations professionnelles propices aux apprentissages informels. En conséquence, dans notre société digitale, la question même de l’intérêt de la distinction entre formel et informel peut se poser (5). D’abord, l’effet Internet nous permet d’avoir accès immédiat à une masse d’informations et de contacts, porteurs de rebond et de sérendipité, favorables aux apprentissages instantanés. Il suffit de disposer d’un poste connecté. L’explosion des outils et des pratiques Web 2.0 (6) place chacun d’entre-nous comme un émetteur éventuel de contenus, plus ou moins intéressants, selon notre e-réputation établie, en partie, par nos pairs. Cela démultiplie les occasions d’échanges et de collaborations possibles, sur le lieu de travail, ou non, sur le temps de travail ou non, sur le sujet de travail ou non, selon les conditions catalysant les échanges (7) porteurs d’innovation ! Dans ce monde digital, les frontières s‘estompent ; celles qui nous empêchent et celles qui nous protègent, celles aussi qui délimitent nos sphères personnelles.
Eclairer et valoriser l’informel
Dans cette dynamique de l’entreprise apprenante, des questions organisa-tionnelles, juridiques et éthiques apparaissent. Avec ce type d’approche horizontale d’entretien et de renouvellement des savoirs liés aux tâches, chaque acteur est, en quelque sorte, tuteur de sa propre communauté de travail, elle-même tutorante. La confiance entre collègues, et le partage des valeurs communes sur le travail et l’apprentissage, semblent constituer un socle nécessaire de reconnaissance et de régulation de ces nouveaux e-apprentissages informels. Pour cela, les démarches liées à la VAE et aux Portfolios constituent indéniablement des pistes intéressantes.
Notes
(1) Voir vidéo datée de mai 2009 «L'émergence de la notion de professionnalisation» de Jean-Claude Quentin & René Bagorski sur l’Université Ouverte des Compétences – www.leclub.org
(2) Voir la vidéo en ligne (2009) concernant la «causerie» entre C. Batier et A. Ferro intitulée «Apprendre & travailler ensemble» : http://www.dailymotion.com/video/xbm5c0_causerie-spiral-apprendre-et-travai_school
(3) A l’évidence, tous les postes de travail ne se prêtent pas, de la même manière, aux opportunités d’apprentissage informel, même si ! Par ailleurs, une étude (menée par GfK en 2010) estimait qu’un salarié sur deux disposait d’un email professionnel dans les PME françaises de moins de 250 salariés.
(4) http://www.groupe-interface.fr/
(5) Voir article de Florence Meichel «Apprenance en réseau, entre formel et informel» sur le site http://www.entreprisecollaborative.com/index.php/fr/articles/163-apprendre-en-reseau-entre-formel-et-informel
(6) Voir les sites http://www.servicesweb20.com ou http://www.deuxzero.com
(2) Voir la vidéo en ligne (2009) concernant la «causerie» entre C. Batier et A. Ferro intitulée «Apprendre & travailler ensemble» : http://www.dailymotion.com/video/xbm5c0_causerie-spiral-apprendre-et-travai_school
(3) A l’évidence, tous les postes de travail ne se prêtent pas, de la même manière, aux opportunités d’apprentissage informel, même si ! Par ailleurs, une étude (menée par GfK en 2010) estimait qu’un salarié sur deux disposait d’un email professionnel dans les PME françaises de moins de 250 salariés.
(4) http://www.groupe-interface.fr/
(5) Voir article de Florence Meichel «Apprenance en réseau, entre formel et informel» sur le site http://www.entreprisecollaborative.com/index.php/fr/articles/163-apprendre-en-reseau-entre-formel-et-informel
(6) Voir les sites http://www.servicesweb20.com ou http://www.deuxzero.com
(7) On peut noter la contradiction d’une stratégie de rémunération individuelle au mérite, dans des équipes e-projets, de plus en plus nombreuses, dont la réussite collective repose sur la qualité des échanges de confiance continue entre pairs.
Illustration : tirée de l’album «Jugar con ma Luna» par Astroturismlo – Eventos, via Facebook
2 commentaires:
Bonjour,
L'informel et le formel, pour le meilleur et pour le pire, dans le domaine de l'apprentissage aussi ! Je partage votre analyse. Depuis 1971, toutes les réformes de la formation tentent vainement, de mon point de vue, de ré-équilibrer les accès à la formation qu'elle soit formelle ou informelle... Y a encore du boulot pour ouvrir les possibilités de se former !
Thierry
Merci pour ces témoignages sur les apprentissages, en général, et sur le tutorat, en particulier, qui soulignent bien la richesse, la diversité et les difficultés de nos missions de tuteurs. Isabelle
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