mercredi 17 octobre 2007

Formateur à distance = tuteur à distance ? Par Jacques Rodet

Cette contribution s'inscrit dans le cadre du débat sur la professionnalité du tuteur à distance et fait suite au commentaire de Michaël rapprochant les métiers de formateur à distance et de tuteur à distance.

Rapprocher le métier de tuteur de celui de formateur à distance comme Michaël l'a fait est tout à fait intéressant. Il faut d'ailleurs reconnaître que de nombreux acteurs ne font pas de distinction entre le formateur à distance et le tuteur. Ainsi, les formations Net-trainers ou Learn-nett dans lesquelles les fonctions tutorales sont abordées se présentent comme des formations de formateurs à distance.

Il paraît donc assez naturel de pouvoir assimiler le tuteur et le formateur à distance. Pour y voir plus clair, il semble nécessaire d'apporter des réponses à quelques questions : les deux appellations sont-elles réellement synonymes ? Le formateur à distance est-il forcément tuteur ? Un tuteur doit-il être un formateur à distance ? La qualification de formateur à distance recouvre-t-elle entièrement celle de tuteur ? Quelles sont les spécificités du tutorat ? Sont-elles suffisantes pour définir un métier différent de celui de formateur à distance ?

Les deux appellations sont-elles réellement synonymes ?

Je ne le pense pas. Un formateur, tout comme un professeur, est en charge d'un enseignement. Il est donc en charge, le plus souvent, de la production de ressources d'enseignement. Le tuteur n'a ni la responsabilité de la production des ressources ni même celle d'enseigner. Son champ d'intervention sur le plan cognitif est de l'ordre de la remédiation et non de l'enseignement, c'est-à-dire de l'explicitation et non du discours.

Par ailleurs, le terme de formateur n'est-il pas trop généraliste ? Alors que la formation à distance et les phénomènes d'industrialisation qui lui sont liés ont fait éclater le métier de formateur en une multiplicité de fonctions : expert de contenu, scénariste, concepteur de ressources multimédia, producteur de ressources, administrateur de plateforme, dépanneur technologique, animateur... et même tuteur. Est-il opportun de renoncer à ces distinctions dès lors que l'on parle de tutorat ? Ne faut-il pas au contraire porter haut la fonction de tuteur ?

Le formateur à distance est-il forcément tuteur ?

Je connais peu de formateurs qui cumulent toutes les fonctions citées ci-dessus. Par contre, je connais beaucoup de formateurs qui se sont spécialisés comme enseignants, d'autres comme animateurs, d'autres comme concepteurs, etc. Il apparaît donc peu certain qu'un formateur soit toujours tuteur. Par contre, le formateur à distance qui intervient auprès des apprenants en cours de formation devient un tuteur puisqu'il assume alors des fonctions tutorales.

Un tuteur doit-il être un formateur à distance ?

L'intérêt de la formation à distance réside, entre autres, dans le fait que les personnes qui interviennent en support à l'apprentissage auprès des apprenants, les tuteurs, ne sont pas en charge de l'enseignement qui est incarné par les ressources médiatisées. Sans rentrer dans le débat des compétences des tuteurs, en particulier sur celle du niveau d'expertise du contenu qu'ils devraient posséder, nous pouvons constater que le tuteur n'est pas toujours un formateur. Il peut également être un méthodologue, un psychologue, un pair, etc.

Aussi, le tuteur ne doit pas forcément être formateur à distance pour exercer ses fonctions tutorales.

La qualification de formateur à distance recouvre-t-elle entièrement celle de tuteur ?

Sur le plan de la définition, oui. Dans la pratique cela me semble beaucoup plus sujet à débat.

Outre les préférences des formateurs pour telle ou telle spécialisation de leur métier (cf. ci-dessus), il faut bien reconnaître que l'approche pédagogique classique et majoritaire, y compris en formation professionnelle, confère davantage d'importance à l'enseignement et à sa fonction transmissive qu'à l'accompagnement des apprenants dans leurs parcours d'apprentissage.

Le e-learning, malgré les discours et les modes, ne change que peu la donne. Il n'est en aucune manière une assurance d'innovation pédagogique et/ou de valorisation de l'activité de l'apprenant. Si l'industrialisation et les processus de ré-ingénierie qu'elle suppose ont permis aux pédagogues de se réinterroger sur leurs pratiques, les usages pédagogiques de nombreuses technologies tendent plutôt à la conformité avec le modèle dominant favorisant l'enseignement et non l'apprentissage. Rien de très étonnant finalement quand on compare le temps et les investissements consacrés à la production des ressources et ceux dédiés à la mise en place des systèmes de support à l'apprentissage.

Or, à mon sens, les fonctions tutorales ne sont pas neutres vis à vis des différentes approches pédagogiques. Leur focalisation sur la phase d'apprentissage interroge la centration classique sur l'enseignement. Les fonctions du formateur à distance, de la conception à l'animation, n'ont pas un positionnement aussi tranché en faveur de l'apprentissage. Bien évidemment la manière dont les individus se projettent dans leurs fonctions tutorales ou de formateur à distance peuvent apporter des corrections à ce constat sans toutefois l'invalider totalement.

Aussi, il me semble que le formateur à distance qui est également et pleinement tuteur, reste l'exception et pourrait davantage l'être successivement, dans des contextes différents que de manière cumulative dans un même dispositif. Ce caractère successif et multicontextes ouvrirait des espaces professionnels distincts pour les deux fonctions de formateur et de tuteur à distance.

Quelles sont les spécificités du tutorat ?

Je ne souhaite pas là établir un nouvel inventaire de rôles et de tâches attachés à la personne du tuteur, ni même faire un tableau comparatif entre le formateur et le tuteur à distance.

Comme je l'ai laissé entendre plus haut, je reconnais au formateur à distance un spectre professionnel, à investir, plus large que celui du tuteur à distance. Mais justement, le fait même d'être en charge d'autres fonctions ne constitue-t-il pas un handicap pour investir les fonctions tutorales ?

Pour être plus précis, je vais prendre le cas de l'évaluation. L'évaluation des apprentissages est une des fonctions du formateur. De même, il n'est pas rare, voire même assez général dans les formations à distance existantes, de confier l'évaluation des apprenants aux tuteurs.

Or, si la fonction d'évaluateur ne perturbe pas l'exercice de celle de concepteur ou d'enseignant, peut-on en dire autant pour les interventions tutorales ? Le changement de casquettes, de celle de l'accompagnateur à celle d'évaluateur est-il neutre pour l'apprenant ? Si il n'est pas illégitime de confier au tuteur l'évaluation, du fait même qu'il est le mieux placé pour rendre justice de leurs apprentissages aux apprenants, il est également vrai que de nombreux apprenants dimensionnent la relation avec leur tuteur en fonction de cette fonction d'évaluateur. Aide et évaluation, surtout si cette dernière est sommative et se résume à un score, sont forcément en tension.

Sont-elles suffisantes pour définir un métier différent de celui de formateur à distance ?

La spécificité du tuteur à distance serait donc d'être exclusivement un professionnel du support à l'apprentissage. Cela vaut-il un métier ? La question reste ouverte et en contient certainement d'autres dont celle-ci : la reconnaissance du métier de tuteur à distance constituerait-elle ou non un bénéfice pour les apprenants ?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Dans l'enseignement supérieur, si l'on souhaite que la formation à distance permette un virage pédagogique et pas seulement une prouesse technologique, pourquoi ne pas parler de professeur à distance ?

En effet, en présentiel ou à distance, un professeur est le concepteur de son cours, il accompagne ses étudiants dans la construction des connaissances, apporte des retours, explique, relance, recadre si cela est nécessaire, évalue.

Le statut de professeur est tout à la fois. C'est au professeur de s'adapter à la FAD, de devenir professeur à distance ; et le virage pédagogique souhaitable pourrait être mieux accepté par les institutions.
Qu'en pensez-vous ?

Elsa a dit…

Dans l'enseignement supérieur, si l'on souhaite que la formation à distance permette un virage pédagogique et pas seulement une prouesse technologique, pourquoi ne pas parler de professeur à distance ?

En effet, en présentiel ou à distance, un professeur est le concepteur de son cours, il accompagne ses étudiants dans la construction des connaissances, apporte des retours, explique, relance, recadre si cela est nécessaire, évalue.

Le statut de professeur est tout à la fois. C'est au professeur de s'adapter à la FAD, de devenir professeur à distance ; et le virage pédagogique souhaitable pourrait être mieux accepté par les institutions.
Qu'en pensez-vous ?

Le blog de t@d a dit…

Oui effectivement, il est possible de parler de professeur à distance, tout comme on pourrait parler de maître de conférences à distance.

En fait peu importe l'appellation. Je ne pense pas que le développement de la FAD à l'université tienne à une dénomination mais bien plutôt à une reconnaissance des nouvelles compétences à acquérir par les enseignants, à la mise en place de formations continue pour les y préparer, à la reconnaissance statutaire de leurs nouvelles
tâches, à la mise en place d'incitations voire d'obligations à suivre régulièrement des formations sur les compétences, qu'ils ont à développer, tant technologiques que pédagogiques .

Autre élément, la mise à distance fait rompre avec la figure artisanale du professeur qui fait tout de A à Z, de la conception à la diffusion de son cours.

Le développement de l'université numérique passe donc forcément par une politique d'édition de contenus qui ne peut être laissé à la seule initiative des enseignants et qui doit être d'une autre ampleur que les résultats obtenus par les UNT.