- Formatrice de formateurs dans des stages d'ingénierie pédagogique (Univ. Franche-Comté, CNED, MAE).
- Conceptrice de formations à distance (Stratice) et conceptrice de contenus pédagogiques pour la FOAD en Français Langue Etrangère (Open University).
- Titulaire d'un doctorat de littérature comparée (1999) portant sur les interférences des codes littéraires et picturaux
- Titulaire d'un DESS (2003) "Ingénierie Pédagogique dans des Dispositifs Ouverts et à Distance" (IPDOD).
- Elle anime un site riche en ressources qui vient de faire peau neuve : supportsfoad
INTRODUCTION
La formation des tuteurs à distance apparaît incontournable tant la variété des tâches qui leur sont demandées d'assumer est grande. Il est en effet difficile de trouver tout à la fois sinon des spécialistes du moins des connaisseurs du champ disciplinaire, des bons techniciens, des pédagogues sachant apporter aide et support de manière personnalisée aux apprenants, des experts de l'apprentissage, des guides sur le plan méthodologique, des personnes ayant développées des compétences d'écoute, de support affectif, etc.
Encore assez peu développées les actions de formation de tuteurs à distance visent à doter les personnes concernées des connaissances nécessaires à la réalisation de leurs tâches d'encadrement et de support à l'apprentissage auprès des apprenants. Celles-ci portent sur différents plans (cognitif, méthodologique, technologique, administratif, motivationnel, socio-affectif, métacognitif). Ces formations ont pour but de professionnaliser ce nouveau profil d'acteur pédagogique.
J'ai le sentiment que nous en sommes encore aux temps héroïques de la professionnalisation des tuteurs. Il est à remarquer que si les formations de formateurs aux NTIC se multiplient, sans toutefois toujours trouver de nombreux candidats (les formateurs seraient-ils les moins formés à l'instar des cordonniers, les plus mal chaussés…), les cursus dédiés au tutorat restent largement à créer.
Et si, les tuteurs se devaient être des professionnels de l'accompagnement des apprenants mais non pas des connaisseurs de contenu ? Plus iconoclaste, les tuteurs ne devraient-ils pas être des " maîtres ignorants " ? Jacques Rancière (Le maître ignorant, Fayard, 1987) nous livre l'histoire étonnante autant que passionnante de Joseph Jacotot qui, au début du XIXe, enseignait ce qu'il ignorait et proclamait l'émancipation intellectuelle.
La question du recrutement et de la formation des tuteurs se poserait dans des termes radicalement différents. Plutôt que de confier des tâches de tutorat à des professeurs (en heures complémentaires) dont nous savons qu'ils sont, pour la plupart, plus aptes à enseigner qu'à supporter les apprenants dans leurs parcours de formation, le recrutement des tuteurs privilégierait d'autres profils (pédagogues, méthodologues, technologues, psychologues, …). Ces tuteurs pourraient intervenir sur de nombreux cours différents puisque ce ne serait pas leurs connaissances disciplinaires qui les qualifieraient mais bien leurs compétences en stratégies d'apprentissage, leur savoir-faire permettant aux apprenants d'apprendre à apprendre et de devenir autonomes, leur propension à l'empathie…
Il se pourrait même que ce soit la seule perspective pour que le métier et le statut de tuteur émergent réellement et que les solutions actuelles de tutorat, trop souvent bricolées au dernier moment soient rangées au Panthéon des premiers âges de la formation à distance.
Pour autant, et en revenant au temps présent, il est possible de trouver quelques expériences de formation de tuteurs qui visent la professionnalisation de ces intervenants. Effet du hasard ( ?), c'est dans les institutions ayant une pratique ancienne de la formation à distance que nous les trouvons. C'est le cas à la Téluq, où les tuteurs bénéficient d'une véritable reconnaissance professionnelle inscrite dans une convention collective mais aussi à l'Open University où existe une réelle politique de formation des tuteurs dont je me suis entretenue avec Anna Vetter. Cet entretien est plus spécifiquement consacré à son expérience de formatrice de tuteurs à l'environnement Lyceum.
ENTRETIEN
Jacques Rodet : Bonjour Anna. Tu as participé à l'animation d'une formation de tuteurs à l'Open University. Peux-tu nous préciser le contexte de ton intervention (programme concerné, nombre de personnes concernées, statut du personnel visé, etc.) ?
Anna Vetter : Bonjour Jacques. La formation à laquelle j'ai participé était destinée aux tuteurs qui, à l'Open University sont chargés d'animer les travaux pratiques en FLE (Français Langue Etrangère) d'un cours de niveau avancé, dans l'environnement audiographique synchrone, Lyceum. Il s'agissait d'une expérimentation qui ne concernait qu'une petite population de tuteurs (je n'ai pas les chiffres en tête mais il me semble qu'ils ne sont pas plus de douze sur le cours concerné). Sur les sept tuteurs inscrits à la formation, cinq l'ont suivie. Quatre de ces personnes avaient déjà animé des TP (travaux pratiques) avec Lyceum. La formation s'est déroulée en deux séances. Trois tutrices ont participé à la première et cinq à la seconde. Les objectifs de cette formation étaient les suivants :
Séance 1 :
Découvrir ou revoir l'environnement technique de Lyceum : comment utiliser les modules de ressources partagées (tableau blanc, traitement de texte et carte conceptuelle) ainsi que les outils de communication disponibles : parler en synchrone, donner son avis en votant Oui ou Non et utiliser le chat.
Séance 2 :
Echanger sur les pratiques pédagogiques sur Lyceum (rôle et fonctions du tuteur, comment motiver les étudiants, mettre en place des conventions de communication, comment faire un bilan, les outils de gestion de son groupe, quand/comment évaluer).
Séances 1 et 2 :
Développer la confiance en soi, l'esprit d'entraide et de partage (parler de ses problèmes, partager ses outils, faire des suggestions).
Evaluer la pertinence d'une communauté de tuteurs comme modalité de formation continue (objectif visé par l'institution).
J.R. : Lyceum, un environnement audiographique synchrone ? Peux-tu nous en dire plus ?
A.V. : Dans Lyceum, tuteurs et étudiants disposent exactement des mêmes privilèges et des mêmes fonctionnalités. On peut communiquer oralement (c'est bien sûr la modalité la plus utilisée en TP de langues) et à l'écrit dans le chat. Il existe un troisième mode plus graphique, qui permet aux participants, en cliquant sur des boutons de donner leur avis (le vote "oui" ou "non") ou d'indiquer une absence momentanée. Lyceum est structuré un peu comme un bâtiment, par étages, lesquels comprennent des salles : les participants dans une même salle n'entendent bien sûr pas ce que disent ceux d'une salle voisine. Cela permet au tuteur d'organiser des activités en sous-groupe et des rassemblements en séance plénière. Chaque salle dispose de trois types d'applications partageables : un tableau blanc, un traitement de texte et une carte conceptuelle, qui sont modifiables en temps réel par l'ensemble des participants simultanément. Ainsi, pour préparer sa séance, le tuteur choisit dans un ensemble de scénarios pédagogiques livrés avec leur ressources (tableau blanc, document texte ou carte conceptuelle) sous forme de fiches pédagogiques, les activités qu'il veut faire faire à ses étudiants. Il prépare sa séance, se connecte sur Lyceum avant le début de la séance et "affiche" les écrans-ressource dans les salles qu'il compte exploiter. Il poste ensuite un message à l'intention des étudiants leur signalant dans quelles salles vont se dérouler les activités et il les accueille dans une salle en plénière. Ce qui me semble le plus différent entre le tutorat en présentiel et celui sur Lyceum, c'est la gestion de la communication avec les étudiants : dans Lyceum, le tuteur peut simultanément se retrouver en situation de compréhension orale/écrite et ceci à différents niveaux (rétroaction immédiate et préparation du bilan de séance).
Pour plus de détails sur les fonctionnalités techniques de Lyceum et sur la structure des fiches pédagogiques proposées, consultez l'article L'enseignement des langues avec Lyceum à l'Open University
J.R. : Tu sais que la question de la formation des tuteurs fait débat. Certains auteurs y sont très favorables et proposent des formules, parfois très précises, pour permettre aux futurs tuteurs de mieux appréhender leurs rôles et de les doter de connaissances méthodologiques et technologiques. D'autres, au contraire, pensent que la formation des tuteurs peut être contre productive dans la mesure où le tuteur se transforme alors en professionnel de l'encadrement et que le principal intérêt du tutorat serait de mettre en relation des personnes proches socialement. L'Open University a manifestement choisi la première solution. Qu'est-ce qui, à ton avis, a pesé dans ce choix de l'Open University ? De ton côté, quels sont les ressorts essentiels qui te poussent à former des tuteurs ?
A.V. : En effet, on peut ranger l'Open University dans le groupe de ceux qui estiment la formation des tuteurs productive, mais… pas seulement les tuteurs ! L'Open University est une institution qui emploie des milliers de personnes (3 000 en poste, dont 900 enseignants-concepteurs à Milton Keynes, et quelques 8 000 tuteurs vacataires) et au sein de laquelle, quel que soit son statut, chacun dispose d'un droit à la formation. Si certaines formations sont animées par des experts, la plupart du temps, l'Open University invite ses salariés à s'autoformer à partir d'un matériel produit par l'institution qui relève du tutoriel (textuel ou animé).
Mais revenons aux tuteurs : pour mieux répondre à ta première question, je vais te décrire un peu qui sont les tuteurs en langues à l'Open University et faire un petit historique de ce qui leur a été proposé en terme de formation. Les tuteurs en langues de l'Open University sont des enseignants déjà confirmés dans leur discipline. Le tutorat qu'ils assurent pour l'Open University est en général un emploi à temps partiel. Les tuteurs sont chargés de suivre un groupe d'une quinzaine d'étudiants : ils corrigent et évaluent les travaux rendus par les étudiants, veillent à ce que chacun exploite au mieux le matériel pédagogique fourni et assurent des séances de travaux pratiques régulières en présentiel ou sur Lyceum. Ces TP ont pour objectif la pratique de l'oral et proposent des activités dans lesquelles les étudiants sont amenés à s'exprimer individuellement mais aussi à travailler en groupes. L'Open University est soucieuse de proposer à tous ses étudiants une prestation tutorale de qualité équivalente (en présentiel ou sur Lyceum) ; d'un autre côté, une grande liberté est accordée au tuteur pour préparer et animer sa séance pourvu qu'il respecte la progression générale du cours. Le matériel pédagogique qui lui est proposé va dans ce sens : il n'est pas dirigiste car on encourage au contraire l'adaptation, la sélection et le découpage, c'est-à-dire : l'appropriation des ressources.
En langues vivantes, Lyceum est utilisé depuis seulement un an ou deux (selon les langues concernées). Cette nouveauté impliquait donc, pour le département de langues, de proposer aux tuteurs une formation spécifique. La première formule proposée a été une formation à l'utilisation technique de Lyceum, dispensée par des informaticiens. Ainsi, la première génération de tuteurs en langues sur Lyceum a du s'initier toute seule à l'utilisation pédagogique de cet outil. En terme de formation professionnelle continue, les tuteurs sont suivis par un "staff-tutor" qui organise leur emploi du temps mais surtout constitue un interlocuteur privilégié pour les questions d'ordre pédagogique. Aujourd'hui, encore assez peu de "staff-tutors" sont familiers avec Lyceum. Au sein du département de langues, un groupe de travail s'est mis en place pour observer l'évolution des pratiques sur Lyceum et pour analyser les besoins en formation des tuteurs. C'est ainsi qu'il m'a été confié d'expérimenter sur un petit groupe de tuteurs Lyceum une formation, non sur le mode "tutoriel à consulter" mais en synchrone, sur Lyceum, avec des tuteurs volontaires et demandeurs de formation.
Ce qui m'a poussée à me lancer dans l'aventure est d'abord le goût pour ce type de formation. Je suis en effet formatrice de formateurs depuis six ans et j'apprécie d'échanger avec des enseignants car j'en apprends toujours beaucoup à chaque fois. Par expérience, j'ai remarqué que les profs aiment parler de ce qu'ils font. Par ailleurs, j'ai expérimenté Lyceum comme tutrice et animatrice de TP. A cette occasion, j'ai eu la chance de pouvoir échanger avec une collègue tutrice. Ces conversations ont été très riches et m'ont poussée à imaginer des outils à partager avec d'autres tuteurs. Enfin, Lyceum est un environnement assez original (car fondé sur la relation synchrone) et je trouve que c'est un outil formidable pour l'enseignement à distance.
J.R. : J'ai été confronté à la question de la formation des tuteurs lorsque je me suis investi dans la première expérimentation de l'encadrement par les pairs à la Téluq. La formation dont j'ai alors bénéficié se fixait les objectifs suivants : mieux connaître et comprendre le rôle du pair ancien ; planifier une intervention auprès d'un nouvel étudiant ; réaliser une intervention auprès d'un nouvel étudiant ; développer son style d'aide comme pair ancien ; faire le point sur ses compétences comme pair ancien ; aider le pair nouveau à planifier, réguler et évaluer sa démarche ; développer des outils pour assurer un suivi efficace de son intervention comme pair ancien ; fournir une rétroaction au pair nouveau ; évaluer son intervention ; identifier les besoins d'un pair nouveau ; aider le pair nouveau à identifier ses besoins ; aider le pair nouveau à développer de nouvelles stratégies d'étude, de lecture ou d'écriture. Retrouves-tu dans ces objectifs certains qui étaient ceux de la formation des tuteurs à l'OU ? D'autres objectifs étaient-ils visés ?
A.V. : Comme je l'ai dit précédemment, les tuteurs de l'Open University sont déjà enseignants donc nous ne sommes pas tout à fait dans le même cas que celui de l'encadrement par les pairs à la Téluq, qui semble se rapprocher du tutorat dans le DESS UTICEF qui est lui aussi assuré en partie par des "anciens" étudiants.
Les TP sur Lyceum ne représentent qu'une partie du travail du tuteur à l'Open University. Mais pour établir un parallèle avec les objectifs de la formation de la Teluq, on peut dire qu'ils existent également pour les tuteurs à l'Open University. Ils sont seulement traités par un autre interlocuteur : le "staff-tutor" dont je parlais tout à l'heure. La formation que j'ai assurée n'était orientée que sur la partie "TP sur Lyceum", ce qui explique que ses objectifs étaient liés aux manipulations techniques et à la relation pédagogique spécifique à Lyceum : préparation et animation de la séance et suivi des étudiants.
Il faut également garder en tête que cette formation était expérimentale et n'avait pas une ambition exhaustive de formation. Il ne s'agissait pas de "fabriquer des tuteurs Lyceum" en deux jours à partir de rien. Ici, nous étions davantage dans une logique de réflexion entre les modalités de tutorat en présentiel (on dit "face to face" à l'Open University) et celles avec Lyceum. Dans le cas de la formation que j'ai animée, le concept est celui d'une communauté qui aborde différents thèmes (proposés aux tuteurs et négociés avec eux) sur la durée.
J.R. : Si tu le permets, je continue cette mise en parallèle de nos expériences. La formation des pairs anciens à la Téluq a été animée par un professeur et s'est déroulée selon deux modalités : activités collectives réalisées par audio-vidéoconférence, par forum et activités individuelles (lectures, encadrement d'un pair ancien suivant également la formation, activités de perfectionnement selon les besoins). Comment cela s'est-il passé à l'Open University ? Selon quelles modalités temporelles et techniques ont été formés les tuteurs ?
A.V. : Il s'agissait d'une formation synchrone sur Lyceum : donc en audioconférence, comprenant deux séances de deux heures chacune. Les tuteurs ont reçu le programme 15 jours avant le début de la formation. Ce programme était accompagné d'un document de préparation à la première séance qui était consacrée au rafraîchissement des connaissances techniques du tuteur sur Lyceum. En effet, pour pouvoir utiliser les ressources conçues pour les TP, les tuteurs doivent se familiariser avec quelques procédures de stockage, de sauvegarde et de modification des ressources. Le document proposait donc un rappel de ces manipulations et invitait les tuteurs à en faire la répétition tout seul avant la première séance. Lors de cette séance, les tuteurs ont été confrontés (en binômes) à des situations de manipulations typiques. Nous avons ensuite fait le point sur les manipulations qui posaient problème : ceux qui avaient réussi ont expliqué à ceux qui avaient rencontré des problèmes. Cette séance s'est terminée sur un échange de " trucs et astuces " techniques qui pouvaient aider le tuteur dans sa préparation de séance et dans la gestion de son groupe lors des TP.
Pour la seconde séance, les tuteurs n'avaient rien à préparer, mais à lire une fiche-témoin tirée du guide pédagogique qu'ils devaient recevoir peu après. Les dix premières minutes ont été consacrées à la présentation critique de la structure des fiches et à l'esprit pédagogique dans lequel elles sont fournies. Les tuteurs ont posé quelques questions relatives aux fiches. Ensuite, deux activités à réaliser en groupes puis en plénière leur ont été proposées. La première consistait à faire la liste de ce qu'ils se voient faire lors de la préparation de la séance. Les tuteurs ont préparé leur liste par groupes de trois et il a été procédé à une présentation en plénière… laquelle a donné lieu à des échanges sur les multiples compétences à mettre en œuvre par le tuteur avant même d'avoir commencé les TP. La dernière activité était plus ouverte : il s'agissait, toujours en groupe, de formaliser les questions que se posaient les tuteurs sur des sujets divers (en lien avec l'animation pédagogique). Les questions ont ensuite été mises en commun et chacun a été invité à proposer une réponse, une solution ou à évoquer une pratique susceptible de constituer une piste.
J.R. : Quelles sont les principales conclusions que tu tires de ton expérience de formatrice de tuteurs à l'Open University ? Qu'est-ce qui te semble généralisable à toute formation de tuteurs ? Ou au contraire penses-tu que le contenu d'une formation de tuteurs ne peut être que spécifique à chaque contexte ?
A.V. : Ce que je tire de cette petite expérience, c'est d'abord l'intérêt de faire échanger les tuteurs en synchrone. Cette modalité me semble plus efficace que de donner à lire des documents d'auto-formation. Du reste, on sait que les tuteurs de l'Open University n'ont globalement pas le temps de le faire… alors qu'ils aiment parler de ce qu'ils font et écouter les autres. Cette modalité les rend donc actifs.
Ce qui me semble généralisable, c'est la modalité retenue plus que le contenu : dans notre cas, le fait de faire se rencontrer les tuteurs et de leur proposer des sujets de réflexion sur leur pratique. Adopter une posture réflexive sur son travail est très difficile à faire tout seul (car il faut déjà se construire des outils d'auto questionnement, ce qui prend du temps) alors qu'en groupe, cela se fait plus naturellement. En plus, les tuteurs n'ont pas à préparer quoi que ce soit (je parle ici de la deuxième séance consacrée à l'appropriation pédagogique de Lyceum) puisque c'est le formateur qui propose et anime les situations d'échange. Les tuteurs m'ont du reste confié qu'ils aimeraient bien plusieurs rencontres de ce genre en cours d'année à condition qu'une personne se charge de la préparer car ils n'ont pas le temps de le faire.
Le contenu de formation à proprement parlé est, dans cette modalité, surtout construit par les participants. Il n'empêche qu'au cours de la séance, j'ai pris des notes et sauvegardé des écrans Lyceum produits par les tuteurs afin d'en faire la synthèse (que j'ai envoyée par courriel aux participants) et aussi, pour conserver une trace des questions et solutions débattues lors des échanges. En fait, le contenu s'est matérialisé après la formation. Il est donc a priori spécifique au contexte du tutorat avec Lyceum.
C'est du reste assez conforme à l'esprit que j'ai adopté en préparant cette formation : écouter les tuteurs et identifier leurs besoins, miser sur le fait que dans leur cas (pédagogues professionnels "qui n'ont pas le temps de lire") c'est l'échange qui peut les enrichir le plus. Dans ce cas-là, il me semble que c'est la formule la plus réaliste et la plus efficace
Je crois aussi que les tuteurs se posent les mêmes questions dans la mesure où l'on aborde des thèmes qui peuvent être considérés comme des incontournables et pourquoi pas, des invariants :
- construire des outils de suivi (de son groupe d'étudiants)
- perfectionner ses compétences de communication
- gérer le temps
- s'interroger sur le feed-back, le bilan et l'évaluation
- maintenir ses savoirs-faire techniques dans l'environnement de FOAD
Je crois qu'à la faveur de la formation, il convient d'adapter ce "contenu" au profil tutoral visé et à l'environnement dans lequel le tutorat s'actualise. Car il me semble que cela ne devient un objectif de formation de tuteurs qu'au moment où eux, les tuteurs, l'expriment comme un besoin.
J.R. : Dans ma chronique du mois de février, j'ai traité de l'effet-tuteur. Peux-tu nous dire ce que tu as retiré de cette expérience de formation de tuteurs pour ta propre pratique de tutrice ?
A.V. : J'ai bénéficié de l'effet-tuteur sur deux plans. Premièrement pour mon travail de conception et de rédaction de matériel pédagogique à l'attention des tuteurs qui interviennent sur Lyceum : écouter les tuteurs évoquer leur expérience sur Lyceum me permet d'être plus proche de leurs réflexes, de ce qui leur fait question et de ce qu'ils recherchent. C'est donc une source d'informations de "première main" dont le bénéfice est inestimable pour un concepteur qui se retrouve immanquablement dans "la peau tuteur" lorsqu'il écrit. En second lieu, je citerai des effets plus immédiats : le plaisir de la conversation et de l'écoute.
Toutefois, je ne sais pas quand je vais pouvoir tutorer à nouveau sur Lyceum et donc réinvestir dans ma pratique le bénéfice de cette expérience. Mais je peux d'ores et déjà dire que les échanges avec les tuteurs m'ont aidée à formaliser des points qui me posent problème en tant que tutrice, comme la gestion du temps par exemple et motivée pour développer des outils d'aide à la gestion de d'une séance (un prototype est en cours de test par une tutrice).
J.R. : Peux-tu en dire plus sur ce prototype ?
A.V. : En discutant avec les tuteurs, je me suis aperçue que certains avaient du mal à s'approprier les orientations suggérées dans la rubrique "bilan" de la fiche : d'après eux, il se passe beaucoup de choses au cours de la séance qui mériteraient d'être discutées à la fin, outre les orientations linguistiques proposées dans la fiche. Il m'a semblé que cette difficulté était liée au travail de prise de notes par le tuteur au cours de la séance. En effet, comme je l'ai dit, les tuteurs sont, en séance, très sollicités (compréhension/expression permanente) : il y a parfois surcharge cognitive qui complique la prise de recul "hors du feu de l'action" comme dirait Ph. Perrenoud.
J'ai donc imaginé un canevas de fiche destiné à faciliter la prise de notes par le tuteur lors de la séance qui met en avant les aspects-clé d'une séance sur Lyceum en vue du bilan: interactions dans le groupe, stratégies développées par les groupes pour réaliser la tâche, contenu du travail produit et problèmes rencontrés par les étudiants.
J.R. : Merci Anna, pour cet entretien
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