lundi 23 mars 2009

Aider les apprenants à demander de l'aide. Par Jacques Rodet

Ross Bleckner, Blue net, 2000
L'action tutorale s'inscrit fortement dans la relation d'aide. Encore faut-il que les apprenants soient disposés à recevoir cette aide et qu'ils acceptent sinon de formuler du moins d'accepter leurs besoins d'aide. Mais qui n'a jamais besoins d'aide ?

Un apprenant peut ne pas être disposé à recevoir de l'aide pour différentes raisons telles que le fait de ne pas repérer en quoi l'aide peut lui être utile, le manque de confiance envers la personne qui lui propose de l'aide, l'assurance qu'il a de pouvoir mener à bien ses tâches sans recours extérieur. Ainsi, le refus d'aide ne caractérise pas un profil d'apprenant particulier mais provient au contraire d'apprenants qui entretiennent des rapports très contrastés avec leur apprentissage et les personnes ressources du dispositif de formation. De celui qui ignore qu'il ignore et donc croit savoir à celui qui revendique le refus de l'altérité, le tuteur ne peut se fonder sur un seul type d'intervention pour les sensibiliser tous aux bénéfices qu'ils peuvent retirer de la relation d'aide.

Aider les apprenants à demander de l'aide en les amenant à réfléchir sur le rapport affectif qu'ils entretiennent avec la relation d'aide

Demander de l'aide ne va pas de soi. Cela passe forcément par un constat de « carence », d'identification de ses difficultés à réaliser seul une tâche mais c'est aussi une opération de « dévoilement » auprès de celui à qui l'on demande de l'aide. Demander de l'aide nécessite donc d'avoir une certaine confiance envers celui que l'on sollicite et de lui reconnaître un savoir, une compétence, une qualité que l'on ne possède pas ou qu'il ne nous a pas été possible de mobiliser. A cet égard, chacun a ses propres pudeurs et réserves, et il n'est pas inutile de les repérer pour pouvoir les surmonter. La première tâche du tuteur pour aider les apprenants à demander de l'aide consiste donc à proposer des activités qui faciliteront pour chaque apprenant l'identification du rapport affectif qu'il entretient avec la demande d'aide. Il s'agit également pour les apprenants de qualifier la relation qu'ils entretiennent avec le tuteur et les autres personnes ressources qu'ils peuvent consulter.

Aider les apprenants à demander de l'aide en les amenant à exprimer leur réticences à demander de l'aide


Amener les apprenants à exprimer les raisons de leur non sollicitation ou même de leur refus de l'aide disponible est une action à mener par le tuteur afin de mieux les comprendre et donc d'être en mesure de penser des interventions qui leurs soient adaptées. Elle peut permettre de (re)nouer l'échange un peu à la façon qu'utilisent les négociateurs d'entités en conflit pour poser un diagnostic partagé sur l'objet et les manifestations du dissensus. Les constats établis peuvent alors ressembler à ces formules : « Vous ne souhaitez pas recevoir l'aide que je vous propose pour telle et telle raison. » ; « Vous trouvez mes interventions d'aide inappropriées lorsqu'elles prennent telle ou telle forme » ; « Vous préférez être l'initiateur plutôt que le récepteur d'une intervention d'aide. », etc. Une fois les constats posés, des aménagements peuvent alors être envisagés et la contractualisation est certainement la méthode la plus appropriée pour rendre constructive la relation d'aide.

Aider les apprenants à demander de l'aide en contractualisant la relation d'aide


Si les chartes tutorales, très souvent produites sans consultation des tuteurs et des apprenants, dressent un cadre indispensable pour la relation tutorale, elles ne peuvent, de par leur nature généraliste et prescriptive, apporter des lignes de conduite pour toutes les situations variées des interactions tutorales. Il est donc nécessaire pour le tuteur et les apprenants d'adapter les dispositions de la charte tutorale, non pas pour en retrancher des éléments nécessaires à l'institution mais pour l'enrichir afin de mieux répondre aux caractéristiques des apprenants et des tuteurs. Il s'agit, comme les formateurs le font régulièrement, de passer de la commande du client (ici l'institution) à l'autocommande (ici co-élaborée par les apprenants et le tuteur). La charte est assimilable à la loi générale au sein de laquelle des amendements peuvent être aménagés dès lors que l'esprit initial n'est pas trahi. C'est parce que les tuteurs se seront ouverts à la contractualisation de la relation d'aide avec leurs apprenants que ces derniers pourront plus facilement demander de l'aide. Cette contractualisation peut porter sur les différents éléments qui composent la relation tutorale : temps, fréquence, modalités, outils, traces produites etc. Tout comme il est intéressant pour un groupe de mesurer sa cohésion et sa productivité, il est opportun pour le tuteur et l'apprenant d'évaluer leur relation en terme de confiance établie et de résultats produits.

Les démarches évoquées, ici, sont susceptibles de clarifier et de vivifier la relation d'aide en lui donnant un sens partagé par le tuteur et les apprenants. Ne pas laisser un apprenant sans aide est certes un devoir pour le tuteur, mais bien plus, il s'agit de créer les conditions de l'exercice de son autonomie par l'apprenant, exercice dépendant, entre autres, de la perception et du ressenti que l'apprenant entretient avec la demande d'aide.

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