dimanche 6 janvier 2008

Mentorat plutôt que tutorat, par Philippe Gaberan

Télémaque et Mentor
Engagé depuis près de cinq années dans la mise en place d’un processus de formation ouverte à distance pour des professions du travail social (www.adea-formation.com et http://spiral.univ-lyon1.fr/00-perso/index.asp), l’expérimentation, les premiers résultats et travaux me confirment dans l’idée que les TIC sont un outil certes nouveau, en lien avec le progrès des sciences et de la technologie, mais que les questions qu’il soulève par sa mise en œuvre sont de très anciennes mais très actuelles questions de pédagogie (S. Leprince et Ph Gaberan dans la revue Forum n°109, juin 2005). Dès lors plusieurs remarques me viennent à la lecture du débat ici engagé.

1°) des métiers de l’accompagnement

Ces métiers existent depuis très longtemps, que seule une illusion de pouvoir faire moderne en tirant un trait sur le passé a conduit à l’oubli. Ces métiers de l’accompagnement se retrouvaient notamment dans la notion de « compagnonnage » dont j’aime bien, au passage, rappeler l’étymologie : cum pagnere, qui partage le pain avec. Le pain ici est à prendre au sens de nourriture autant matérielle que spirituelle (intellect) que affective (le lien entre le compagnon et son apprenti). Ce qui m’invite à vouloir corriger la définition proposée des métiers de l’accompagnement, certes intéressante mais malgré tout un rien insatisfaisante dès lors qu’elle exclut, je cite « l’acte d’enseigner ». C’est à mon sens s’enfermer dans une parcellisation arbitraire et absurde que de séparer « accompagner » et « enseigner ». Car il y a « quelque chose » qui s’enseigne dans l’accompagnement même si ce n’est pas sous la forme du cours magistral d’une discipline scolaire. Ce que l’accompagnant enseigne c’est bien précisément son appropriation de savoirs qu’il vient partager sous la forme d’une transmission non formalisée de façon doctorale ou formelle.

2°) sur le mot de « tuteur »

Je crois celui-ci totalement inadapté à la dynamique générée par la FOAD. Que ce soit en référence à la botanique (tuteur d’une plante ou d’un arbre) ou que ce soit en référence au domaine juridique (celui qui prend les décisions au nom d’une personne jugée « mineure » ou « incapable ») le tuteur renvoie à l’image de la contrainte, de la maîtrise, de l’emprise, etc. Je lui préfère le concept de « mentorat » (en référence à mentor, l’ami auquel Ulysse confie son fils Télémaque). De nombreux travaux, québécois, belges ou français conduisent une réflexion pertinente en ce domaine.

Cette réponse forcément incomplète et imparfaite me permet de préparer une intervention que je dois faire devant une soixantaine de futurs cadres de santé. Merci de votre indulgence à tous.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

A oui, très juste.

Mais personnellement, j'utilisais le terme "tuteur" au sens que lui donne les anglosaxons avec "tutor", et non celui des jusristes ! (http://www.cnrtl.fr/lexicographie/tuteur).

Effectivement, le mentor convient bien mieux : "Personne servant de conseiller sage et expérimenté à quelqu'un"
D'ailleurs dans ce système terminologique (que je conseille vivement : http://www.cnrtl.fr/synonymie/mentor), les premiers synonymes de mentor sont "guide" et "inspirateur"; ceux de tuteur sont "soutien" et "protecteur".
Peut être complémentaires ?

Mon problème, c'est que j"utilisais "tutrice". "mentorière"! est afreux, mais le dico me suggère "mentorine"...

PS à Jacques : la fenêtre pour faire les commentaires est vraiment trop petite.

Jacques Rodet a dit…

Le tuteur doit-il être forcément un mentor, c'est-à-dire un conseiller sage ?

La sagesse est-elle suffisamment partagée pour que chaque apprenant à distance puisse être conseiller par un sage ?

La sagesse s'autorise-t-elle le conseil ?

Du conseil à l'influence, de l'influence à la dépendance... A contrario de ce processus, le tuteur ne doit-il pas travailler à se rendre inutile pour l'apprenant en l'aidant à progresser dans son processus d'autonomie ?

Guy Boulet a dit…

Je ne crois pas que l'on puisse interchanger le terme "tuteur" avec celui de "mentor".

Dans mon esprit, le mentorat est une relation à long terme basée sur une confiance et un respect mutuels entre le mentor et son protégé. Dans bien des cas, on suivra un processus visant à assigner un mentor dont les intérêts se rapprochent de ceux du protégé. Le mentorat est aussi une relation à long terme visant le développement du protégé et son intégration sociale dans une comunauté. Par exemple, un nouvel employé pourra être pris en charge par un mentor qui aura pour responsabilité d'intégrer son protégé au sein du réseau social de l'entreprise tout en le conseillant quant à son développement professionnel en vue de sa progression dans l'organisation.

La relation tuteur-apprenant est, quant à elle, ponctuelle et plus limitée dans le temps. Un tuteur assistera un apprenant le temps d'un cours ou d'une formation, par la suite, ce sera probablement un autre tuteur lors d'une autre formation. Il n'y a généralement pas de processus de pairage tuteur-apprenant. Le tuteur aura plusieurs apprenants à sa charge et le rôle du tuteur se limite à faciliter l'apprentissage de l'apprenant, la notion d'intégration sociale n'est pas présente dans le tutorat, à mon avis du moins.

Ainsi, selon moi, le rôle de tuteur fait partie de celui du mentor, mais non l'inverse.

Le blog de t@d a dit…

Le mentorat et le tutorat seraient donc bien deux accompagnements aux frontières distinctes.

Le tutotat s'exerçant dans le cadre limité d'une formation.

Toutefois, le tuteur n'a-t-il vraiment aucun rôle en matière d'intégration sociale ?

N'intervient-il pas aussi en direction du groupe d'apprenants, un groupe social limité dans le temps, mais un groupe social néanmoins. Ne doit-il pas faciliter l'intégration de l'apprenant dans le groupe d'apprenants ?

La formation comme préparation à l'intégration sociale et/ou professionnelle n'a-t-elle pas besoins de professionnels, de tuteurs, ayant des compétences en matière d'intégration sociale ?