En 2003, Pascal Marquet et Elke Nissen, s'étaient attachés à mieux définir « Les distances intrinsèques aux situations d’enseignement à distance ».
Nous reproduisons ci-après ce paragraphe tiré de leur article « La distance en formation aux langues par visioconférence : dimensions, mesures, conséquences » http://alsic.u-strasbg.fr/Num11/marquet/alsic_n11-rec1.htm
Le caractère spatio-temporel implicite de la distance en formation est loin d’être le seul caractère qu’elle peut revêtir. Bernard [Bernard99] nous dit qu'il existe une pluralité de distances, plus ou moins mesurables, connotées positivement et négativement à la fois. Jacquinot [Jacquinot93] propose une décomposition plus précise de la distance qui fait intervenir six aspects dont elle énumère les conséquences. Parmi elles figurent naturellement les distances 1) spatiale et 2) temporelle. Elle introduit ensuite la distance 3) technologique qui sépare les objets techniques des situations d’enseignement / apprentissage. Se joue ici la pertinence du recours à ces objets et leur accessibilité. La distance 4) socioculturelle, quant à elle, rend compte de la séparation entre l’univers de l’enseignement et de la formation et l’univers des exclus de l’école. S’y ajoute la distance 5) socio-économique qui renvoie à l’idée de retour sur investissement d’une formation, la rentabilité estimée d’une action de formation à distance pouvant fortement varier selon les contextes. Enfin, la distance 6) pédagogique, que Jézégou [Jezegou98] appelle distance éducative, rend compte de ce qui sépare celui qui est engagé dans un apprentissage et celui qui a en charge un enseignement. On trouve en outre chez Esch [Esch95] un aspect de la distance qui complète assez bien la vision de Jacquinot, dans la notion de distance interpersonnelle, en tant que lien affectif plus ou moins fort.
À ces premiers éléments généraux, s’ajoutent des dimensions de la distance spécifiques à l’apprentissage d’une langue étrangère. Souvent présentées comme des handicaps dans ce contexte précis [Coste99], ces dimensions ne sont elles aussi que trop rarement explicitées, à quelques exceptions près. Pour Esch [Esch95] notamment, l’apprentissage nécessite de combler une distance structurale, au sens de Saussure, une distance sociale et une distance culturelle. Selon elle, la distance structurale est celle qui sépare l’apprenant du nouveau système langagier. La distance sociale revêt la représentation de la langue dont l’apprenant s’est doté et qui affecte plus ou moins son appropriation. La distance qu’elle qualifie de distance culturelle est très proche de ce que Rutter [Rutter87] appelle distance psychologique. Gavelle et De Pembroke [GavelleDePembroke99] ajoutent à cet inventaire deux dernières dimensions : la distance cognitive et la distance relationnelle. La première renvoie aux différences entre les habiletés cognitives des interlocuteurs et la seconde caractérise les modalités d’interaction entre les interlocuteurs.
Pour terminer ce tour d’horizon sur les dimensions de la distance, signalons l’approche originale de Moore [Moore93], qui propose la notion de distance transactionnelle. Elle est, selon lui, déterminée par trois paramètres : 1) la structure de l’enseignement qui dépend de la rigidité ou de la flexibilité des objectifs pédagogiques, des stratégies d’enseignement et des méthodes d’évaluation ; 2) le dialogue qui résulte des possibilités d’échanges entre les protagonistes des situations d’enseignement / apprentissage ; 3) l’autonomie de l’apprenant dans son parcours d’apprentissage. Selon Moore, la distance de transaction sert à distinguer les différents dispositifs d’enseignement plutôt qu’à effectuer des mesures.
Nous pouvons nous servir de ces définitions pour évaluer qualitativement la manière dont nous vivons personnellement la situation distancielle, que nous soyons apprenant ou tuteur.
La première étape serait alors de décrire la réalité de chacune des distances pour le contexte de formation dans lequel nous évoluons. Puis de dégager des critères d'évaluation des données contenues dans ces descriptions ou de se servir de critères définis par avance. Par exemple, en ce qui concerne la qualification de notre ressenti par rapport à telle ou telle distance, il est possible d'utiliser les critères suivants : « positif », la distance concernée facilite l'atteinte de mon objectif « X » d'apprenant / de tuteur ; « neutre », la distance concernée n'influe pas sur l'atteinte de mon objectif « X » d'apprenant / de tuteur ; « négatif », la distance concernée handicape l'atteinte de mon objectif « X » d'apprenant / de tuteur.
Ci-contre, à titre d'exemple, la matrice d'une telle grille d'évaluation pour les distances identifiées par Jacquinot, Jézégou et Esch (clic sur l'image pour l'agrandrir).
Evaluer son ressenti par rapport aux différentes distances, autrement dit, s'autoriser à distancier son vécu de la distance, c'est se donner les moyens de ne plus être distant de la distance.
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